Etre soi-même?

Aujourd’hui, je me suis demandé:

« Suis-je moi-même ou suis-je la personne que les autres veulent ou ont besoin que je sois? »

Ne vous êtes-vous jamais demandé si vous étiez qui vous êtes ou si vous étiez celui que les autres veulent que vous soyez? C’est une question que je me suis posée, il y a longtemps, mais ce n’est que maintenant que j’entrevois la réponse et l’ampleur de ses conséquences…

J’ai compris qu’enfant, j’avais appris à penser le monde comme mon entourage le pensait. Petite, je voyais les choses à ma façon, mais en grandissant, au contact de l’éducation, plongée dans le système scolaire obligatoire et immergée dans les valeurs de ma famille et de la société, j’appris à voir le monde comme on me le demandait, à me comporter comme les autres et surtout à cacher et enterrer toutes les choses qui me rendaient différente.

J’ai docilement appris à ne plus être moi et à endosser le rôle qu’on m’avait attribué. Je suis devenue une très bonne actrice et j’ai endossé le rôle de la petite fille sage avec brio…
Malheureusement ou heureusement, au contraire, il est très difficile de jouer un rôle toute sa vie et ce fût à l’adolescence que je me suis rendue compte que la personne que j’étais devenue ne correspondait pas à la personne que je voulais être et encore moins à la personne que j’étais…

Est-ce pour cela que l’adolescence est caractérisée par la rébellion et l’insoumission? Est-ce que c’est parce que c’est à ce moment-là que l’Etre Humain se rend compte que la façon dont on lui demande de vivre, la façon dont on lui demande de se comporter et d’être avec les autres, et finalement la façon dont on lui demande de penser, ne correspond pas du tout ou si peu à la personne qu’il est profondément?

J’ai réussi à me plier, difficilement, aux demandes de mon entourage jusqu’à l’adolescence, mais presque arrivée à l’âge adulte, ce devint trop difficile.
A l’adolescence, tout a volé en éclats! En envoyant valdinguer les dialogues de mon personnage, j’ai brisé l’équilibre de la pièce de théâtre qui se jouait autour de moi depuis des années. Le script et la dynamique relationnelle sur lesquels les membres de ma famille s’appuyaient pour fonctionner au quotidien ne pouvaient plus s’appliquer si je ne jouais plus mon rôle comme ils l’attendaient. En sortant de mon rôle, j’ai fait paniquer les membres de mon entourage, car ils ne savaient plus comment interpréter leurs propres rôles avec un acteur qui voulaient interpréter le sien différemment. En effet, comment continuer à jouer les mêmes scènes avec un personnage différent, avec un acteur qui veut jouer différemment? La perte de contrôle que j’ai engendrée en sortant du scénario a complètement bouleversé la dynamique de la petite troupe et l’a placée dans cette situation désagréable de changement qui oblige à abandonner ce qu’on connaît pour se diriger vers l’inconnu, vers un nouvel équilibre où toutes les « données » vont être modifiées…

En fait, c’est l’histoire de l’ado rebelle qui fait valdinguer l’équilibre de la famille, du groupe, de la classe, de la communauté, juste parce qu’il revendique son droit à vivre pleinement selon son ressenti, ses besoins, son âme, sa conscience… c’est l’histoire de l’ado qui se sent très mal de jouer un rôle tous les jours et qui aimerait redevenir lui-même, redevenir un Etre Humain et ne plus être assimilé au rôle qu’on lui a imposé depuis sa plus tendre enfance. Comme l’acteur de cinéma qui cherche désespérément à se débarrasser de ce rôle qui lui colle à la peau depuis des années pour enfin pouvoir être lui, être ce qu’il est.

Pourquoi les acteurs pètent-ils souvent un câble? Je pense que c’est parce que leur public leur demande d’être le personnage du film, alors que ce n’est pas du tout la personne qu’ils sont. On leur refuse le droit d’être eux-mêmes, on leur demande d’être le personnage qu’on a vu à la télé et qu’on a adoré. On leur impose de se comporter comme lui et d’avoir les mêmes valeurs, celles qui nous ont plu à nous et nous sommes tristes, désemparés et déçus lorsqu’ils ne se comportent pas comme ils l’ont fait dans les films. Souvenez-vous de ces Peoples qu’on aperçoit en privé et qui ne ressemblent pas du tout à ce qu’ils montrent en public. On les fusillent de remarques acerbes et haineuses pour leur faire comprendre que leur comportement nous déplaît et qu’ils doivent redevenir comme avant, comme on les a connus en public, dans ce qui a fait leur célébrité et donc, ce qui a fait qu’on les a aimé.

Voyez-vous le parallèle avec l’adolescent qui tout à coup sort du cadre et n’agit plus selon ce qui plaît à ses parents ou à ses enseignants, qui se met à sortir de l’image qu’on a créée de lui? Les parents, les enseignants se mettent à détester ce comportement car il ne ressemble plus à celui qu’ils avaient construit et aimé avant. Les sanctions commencent à tomber, histoire de faire comprendre à cet adolescent qu’on ne l’aime pas comme ça, qu’on l’aime comme il était avant, quand son comportement correspondait à celui du « scénario » qu’on avait construit pour lui.
Les gens n’aiment pas le changement et ils n’aiment donc pas que les individus qui les entourent changent de comportements. L’Homme aime que les choses soient constantes et prévisibles et que son petit monde ne change pas trop. Que tout le monde soit toujours dans les mêmes rapports et que personne sorte du cadre….

Ainsi, lorsqu’on se rend compte qu’on nous fait jouer un rôle, qu’on nous demandent d’agir selon le bon vouloir et les besoins des autres et qu’on nous interdit d’être nous-mêmes sous peine d’être sanctionnés, on commence à se sentir mal, à se sentir emprisonnés dans ce rôle que d’autres ont construits pour nous et qui ne répond pas à nos besoins ou à nos valeurs. On se sent emprisonné dans une voie sans issue où les seuls choix semblent être:

– continuer à me comporter comme on me le demande et ressentir ce mal-être qui m’indique que celui qu’on me demande d’être ne me correspond pas.

– commencer à me comporter en accord avec qui je suis tout en sachant que les personnes qui m’entourent ne vont pas aimé ce changement et vont certainement tout faire pour que je me comporte comme ils ont « besoin » que je me comporte.

Parfois, continuer à être comme les autres nous demande d’être nous rend si mal que nous cherchons des solutions pour ne plus souffrir, mais pour pouvoir quand même continuer à « répondre à leur demande, à leurs besoins ». Nous savons que nous comporter autrement peut les faire souffrir et nous ne supportons pas cette idée. Nous savons ce que c’est Souffrir, puisque nous le vivons tous les jours dans le décalage entre ce que nous montrons extérieurement et ce que nous vivons intérieurement. Nous savons que cette souffrance est atroce et nous ne voulons pas que les Etres qui nous entourent, les Etres qui nous sont chers, la vivent. Nous avons compris que nos proches souffrent lorsque nous ne répondons pas à leurs besoins, lorsque nous ne nous comportons pas avec eux comme eux souhaitent qu’on soit avec eux. Cette peur de les faire souffrir et cette peur de ne plus être aimé si nous sommes nous-mêmes, nous entraîne vers cette situation impossible où nous décidons de sacrifier nos valeurs, nos besoins, notre âme, notre Etre et notre vie, pour continuer à être pour eux cette image de nous qu’ils aiment, ce personnage qui répond à leur besoin et qui leur assure le bonheur.

Alors me direz-vous: être soi-même, c’est faire souffrir les autres et ne pas être soi-même, c’est souffrir?

Ce n’est pas aussi simple que cela. En réalité, lorsque tout le monde joue un rôle dans une pièce de théâtre familiale, professionnelle ou relationnelle, il y a toutes les chances que la majorité des gens ne soient pas eux-mêmes et souffrent. Ils se sont simplement embarqués dans des relations qui ne sont pas saines pour eux et ils ne savent souvent pas comment fonctionner autrement: ils continuent à tenir leur rôle parce qu’ils pensent qu’il n’est pas possible de fonctionnement autrement. Alors tout le monde souffre en silence en continuant à faire tourner cette pièce de théâtre défaillante.

En fait, dans de telles relations, ce n’est pas le fait qu’une personne décide de devenir elle-même qui fait souffrir les autres, c’est le fait que les autres n’osent pas devenir eux-mêmes et ne savent plus comment faire quand une personne fait tomber les masques que chacun porte en révélant que c’est une mascarade qui se joue et non des relations authentiques où chacun pourrait exprimé ses besoins et qui il est sans être blâmé.

La souffrance que nous vivons lorsque nous jouons un rôle, lorsque nous ne faisons que répondre aux attentes des autres, nous signale que nous ne nous écoutons pas et que nous sommes en train de dépérir de l’intérieur.

La souffrance que les autres vivent lorsque nous décidons de ne plus répondre à leurs attentes soit leur signale que la personne qui était en train de répondre à leurs attentes et à leurs besoins ne le fera plus, soit elle leur révèle que eux non plus ne sont pas authentiques, qu’ils jouent un rôle et qu’ils ne sont peut-être pas eux-mêmes.

Lorsque nous décidons d’être nous-mêmes, notre entourage ne souffre pas parce que nous sommes nous-mêmes, mais parce que nous ne répondons plus à ses attentes, qu’il a « perdu le contrôle sur nous » ou qu’il réalise qu’il n’est pas lui-même non plus.

Bien évidemment, en continuant à être la personne que les autres attendent qu’on soit, on évite tout ce « drame ». Tout le monde souffre alors peut-être dans son coin, mais au moins la souffrance n’est pas visible et c’est souvent ce qui importe lorsque une pièce de théâtre, bridant les besoins, les valeurs et la attentes de chacun, se joue au sein d’une famille, dans un milieu professionnel ou dans n’importe quel groupe de personnes. Si un des membres s’avise de briser l’équilibre de la pièce et fait éclater au grand jour sa dysfonctionnalité et les souffrances individuelles cachées au prix des plus grands efforts, alors c’est lui qu’on va blâmé, qu’on va montré du doigt, qu’on traité de fauteur de troubles, de malade. En réalité, ce sont les relations et la communication entre les membres qui sont malades, mais comme le groupe, la famille ou l’équipe doit continuer à fonctionner, même de manière bancale, c’est celui qui a révélé ce dysfonctionnement qu’on va traiter de « malade » et qu’on va tenter de « soigner » pour que la pièce de théâtre puisse continuer à se jouer. Comment va-t-on « soigner » cet être « dysfonctionnel » qui n’arrive plus à tenir sa place dans la famille ou dans la société? De ce côté-là, tout est permis. Tout va être tenté pour le faire rentrer dans le rang ou pour l’exclure de la pièce. Généralement, lorsque cela va être difficile (éthiquement ou politiquement parlant) d’exclure la personne, c’est notamment la cas pour le membre d’une famille qu’on peut difficilement exclure de la famille, tout va être tenté pour le faire rentrer dans le rang. Dans d’autres situations où il est plus facile d’exclure une personne, c’est ce qui va être rapidement fait si cette dernière ne peut pas être vite remise à sa place.

Faut-il alors continuer à souffrir en silence pour ne pas briser la magnifique mascarade qui se joue, mais qui semble contenter tout le monde sauf nous? Je ne pense pas, car à long terme, tout le monde en souffre, même si cela ne se voit pas.

Ne pas être soi-même, ne pas parler de ses besoins, de ses attentes, de ses valeurs, de ses espoirs et ne pas être qui on est, c’est se maintenir dans le souffrance et maintenir l’illusion que tout fonctionne bien dans le groupe (famille, travail, …), alors que ce n’est pas le cas. En effet, si une personne se retrouve en souffrance parce qu’elle ne s’autorise pas à être elle-même ou parce qu’on l’oblige à être quelqu’un d’autre, c’est qu’il y a un problème et qu’à long terme toutes les personnes concernées risquent d’en souffrir d’une manière ou d’une autre.

Bien évidemment, nous ne sommes pas nous-mêmes en dépit des autres, mais nous sommes nous-mêmes avec les autres. Vous l’aurez compris, être soi-même ne veut pas dire imposer ses besoins, ses attentes et ses valeurs aux autres, sinon nous deviendrons cette personne qui dit aux autres qui ils doivent être et comment ils doivent penser et se comporter pour répondre à ses besoins et à ses attentes. Etre soi-même, c’est reconnaître ses besoins, ses valeurs et ses attentes, c’est se connaître, savoir qui on est et l’exprimer à l’autre sans l’imposer, mais c’est aussi savoir écouter l’autre dans ses besoins, ses valeurs et ses attentes, c’est le respecter dans ce qui l’est et pour qui il est.

Etre soi-même, ce n’est ni se soumettre à l’autre et ni s’imposer à lui, c’est conjuguer les valeurs, les besoins et les demandes de chacun: c’est conjuguer deux mondes intérieurs pour construire un monde extérieur où tous deux s’y sentiraient bien et pourraient s’épanouir.

Il n’est pas facile de conjuguer les mondes intérieurs de chacun pour en faire un monde extérieur épanouissant pour tous. C’est tellement plus facile pour une personne ou un petit groupe de personne d’imposer, le plus souvent inconsciemment, son monde intérieur à l’autre pour qu’il devient le monde extérieur dans lequel tout le monde doit s’épanouir. C’est souvent ce qui se passe dans les familles où un des membres impose sa vision du monde au lieu de conjuguer les valeurs, les besoins et les attentes de chacun. Alors, bien que chaque membre ait un monde intérieur différent, on ne tient compte que du monde intérieur de celui qui impose ses attentes, ses valeurs et ses besoins et le monde de ce dernier devient le monde dans lequel chacun doit évoluer dans son rôle selon les directives imposées.

Bien évidemment, c’est plus complexe que cela, mais souvent, lorsqu’une personne souffre dans le monde dans lequel elle évolue, c’est parce qu’il a été très peu tenu compte de son « monde intérieur ». Ceux qui s’en sortent le mieux dans les mondes familiaux ou professionnels dans lesquels ils évoluent, sont soit ceux dont le monde intérieur est très proche du monde imposé, soit ceux dont on a tenu compte du monde intérieur lorsqu’on a conjuguer les mondes intérieurs en présence.

Comment savoir si on est soi-même?

Je pense que l’on sait que l’on est soi-même, lorsqu’on ne souffre pas. Dès qu’on souffre, il y a fort à parier qu’il y a quelque chose qui nous empêche d’être nous-mêmes, de conjuguer notre monde intérieur avec celui des personnes en présence pour en faire un monde où tous pourraient évoluer sans devoir bâillonner leur monde intérieur.

Etre soi-même, c’est écouter son monde intérieur et celui des autres. C’est construire, avec les autres, un monde dynamique et flexible capable de s’adapter aux changements qui se produisent dans les mondes intérieurs de chacun.

 

 

Les maîtres du temps

Les maîtres du temps

« Eh bien, [le maître du temps] n’a pas changé, toujours la mine grise et l’air grincheux, à tisser les heures, les jours, les mois, les années, à tisser le temps qui passe sans jamais lever le nez! » Phrase extraite de l’histoire intitulée Joyeux Noël Père Noël (Les Belles Histoires, hors série décembre 2016)


Ce que cette phrase m’inspire:

L’immobilité ne me permet pas de garder l’équilibre. Il me faut bouger pour trouver mon équilibre, ma stabilité dans ce monde qui bouge et qui va trop vite… les yeux et le coeur fermés.

Les maîtres du temps, ce sont eux qui nous demandent d’aller vite, peu importe que nous gardions notre équilibre, le principal pour eux, c’est que nous avancions, tels de fusées.

Nous ne voyons pas le parcours, le chemin, le voyage, le paysage… et nous ne sommes pas certains non-plus de voir notre destination… la destination qu’on nous a fixée!?

Quel intérêt à courir comme des lapins, sans profiter un instant du parcours de notre vie, des rencontres sur notre chemin? Pour atteindre cet objectif? Mais quel objectif? Le nôtre? Le leur? Et cet objectif existe-t-il vraiment?

Une course folle sans but, voilà à quoi ressemble la vie de nos jours! A quoi bon? A quoi bon gagner cette course si elle ne nous apporte rien? A quoi bon perdre notre vie pour rien? Ne vaut-il pas mieux apprécier chaque jour qui passe sans se soucier d’arriver au bout? Ne vaut-il pas mieux apprécier la vie… la mort arrivera bien assez vite…

La mort, le point final, l’objectif de toute existence! Pourquoi griller les étapes pour l’atteindre? Ne ferions-nous pas mieux de profiter de l’instant présent et de laisser notre corps et notre âme avancer à leurs rythmes jusqu’à la ligne d’arrivée?

Tout le monde va gagner, tout le monde atteindra un jour cette objectif. Pourquoi vouloir faire partie de ceux qui l’atteindront en premier?

Les maîtres du temps!!

Faut-il aller vite ou lentement? Faut-il suivre leur rythme ou non?

 

Carole, décembre 2016