Le sevrage des antidépresseurs

Dans le sevrage il n’y a pas de secret, juste beaucoup de patience à avoir, ne pas compter, ni les jours ni les mois, et se dire que la moindre diminution de cette molécule est une victoire. Annie (2013)

Introduction

Avec les antidépresseurs, il est fortement recommandé de sevrer directement l’antidépresseur d’origine et d’envisager d’ajouter une autre molécule ou de passer à une autre molécule, seulement si le sevrage de l’antidépresseur d’origine s’avère trop compliqué, c’est-à-dire que les symptômes de sevrage sont intolérables. En fin de sevrage, lorsque les dernières diminutions deviennent trop difficiles, il est également envisageable d’introduire un antidépresseur de soutien ou de substitution. Comme relevé par Altostrata (2011), administrateur du forum Surviving Antidepressants, un sevrage direct du médicament auquel votre système nerveux est accoutumé est moins risqué que le passage par un autre antidépresseur [sevrage indirect]. En effet, il peut arriver que l’organisme réagisse très mal à l’introduction d’une nouvelle molécule, ce qui provoque, dans la plupart des cas, de sévères effets indésirables. Il peut également arriver que la substitution échoue : c’est le cas lorsque l’action de la nouvelle molécule ne couvre pas les symptômes de sevrage induits par le sevrage de la molécule d’origine.

Les termes antidépresseur d’origine, molécule d’origine ou antidépresseur de départ sont les noms que nous employons pour désigner l’antidépresseur qui est actuellement pris (et que vous souhaitez généralement sevrer) par opposition aux termes antidépresseur de substitution, molécule de substitution, antidépresseur de soutien ou molécule de soutien qui sont les termes utilisés pour désigner les nouvelles molécules qui pourront être introduites lors d’une procédure de sevrage.

Les antidépresseurs de substitution ou de soutien seront ainsi introduits soit pour remplacer l’antidépresseur d’origine, soit pour « soutenir » son effet lorsque le sevrage direct de celui-ci s’avère trop compliqué, voire impossible à réaliser.

Avant de débuter un sevrage, il est important de :

Trouver sa dose de confort et de s’y stabiliser

Le point essentiel, avant de débuter le sevrage à proprement parler, est de trouver sa dose de confort et de s’y stabiliser pendant quelques semaines (généralement 4). En effet, si vous débutez votre sevrage lorsque votre organisme est en manque, alors vous risquez d’accumuler les manques de chaque palier.

Pour donner toutes les chances à un sevrage de bien se passer, il est crucial de ne pas débuter votre sevrage en état de manque.

De plus, comme l’a constaté Thérèse (2017) sur le forum d’entraide SoutienBenzo, il ne faut ne pas rester avec des symptômes de sevrage d’un antidépresseur si vous avez été trop vite, car l’effet rebond apparaît 1 à 2 mois après et il NE FAUT PAS attendre que ça passe tout seul! La solution est de REPRENDRE en partie votre sevrage [c’est-à-dire de remonter à la dernière dose à laquelle vous vous « sentiez bien », la dose de confort] et FINIR de se sevrer correctement [en suivant un protocole de sevrage adapté aux spécificités de la molécule].

Connaître la durée de la demi-vie de l’antidépresseur pour adapter les prises et éviter les états de manque

Il est important de prendre l’antidépresseur à heure(s) fixe(s) pour maintenir le taux de molécule active constant dans le sang afin d’éviter les états de manque et donc les symptômes de sevrage. Et c’est en identifiant la durée de la demi-vie de l’antidépresseur qu’il sera possible d’adapter les heures prises et ainsi d’éviter les états de manque.

Avec un antidépresseur à demi-vie longue (24 heures et plus), une prise par jour à heure fixe couvre théoriquement toute la journée.

Bien que la durée de la demi-vie ne soit pas égale à la durée de l’effet de la molécule active, la demi-vie constitue un bon indicateur du nombre d’heures qui seront couvertes par l’action de l’antidépresseur. (Pour rappel, la durée de l’effet d’un médicament psychotrope est inférieure au temps nécessaire à l’organisme pour l’éliminer, c’est-à-dire à la durée de sa demi-vie d’élimination).

Illustrons d’un exemple le problème de l’état de manque qui peut se produire avec un antidépresseur à demi-vie courte comme la venlafaxine (Effexor). La venlafaxine, dans sa forme galénique classique (c’est-à-dire dans sa forme galénique dont le mode de libération n’a pas été modifié) a une demi-vie de 5 heures, ce qui fait que la durée de son effet ne va pas excéder les 5 heures. Par conséquent, la personne qui prendra cet antidépresseur une fois par jour, par exemple à 8h00, aura éliminé l’antidépresseur à 13 heures et se retrouvera probablement en état de manque jusqu’à la prochaine prise, c’est-à-dire jusqu’au lendemain 8h00.

Bien évidemment, les firmes pharmaceutiques ont modifié le mode de libération de cette substance pour pallier à cet écueil et proposent maintenant la venlafaxine sous forme de gélules à libération prolongée (ou LR ou ER pour Extended Release). Ces gélules contiennent des pellets qui sont enrobés par un film qui contrôle la vitesse de libération de la venlafaxine, ce qui permet à cette dernière d’être libérée progressivement au fil des heures et par là, de maintenir son action au cours de la journée. En Suisse, il s’agit de l’Efexor ER qui se présente sous forme de capsules contenant des pellets (aussi appelés micro-billes). Cette forme permet de passer à une prise par jour, alors que la venlafaxine (Effexor) dans sa forme « classique » nécessite théoriquement 5 prises quotidiennes pour couvrir, de son effet, une période de 24 heures.

Selon le Compendium suisse des médicaments (2018), pour les formes à libération prolongée (LP ou ER pour Extended Release), après la prise de Venlafaxin Pfizer ER, le temps de demi-vie d’élimination apparent atteint 15±6 h, et correspond au temps de demi-vie d’absorption, car l’absorption est alors plus lente que l’élimination. À la lecture du Compendium, nous constatons qu’il n’est pas non plus garanti que les formes prolongées couvrent de leur action les 24 heures d’une journée.

En conclusion, être attentif à la durée de la demi-vie d’un antidépresseur permettra souvent de trouver l’origine des symptômes de manque et/ou la cause de leur intensification à des heures spécifiques de la journée. Ainsi, des heures de prises fixes et établies en fonction de la durée de la demi-vie, en couplage avec l’utilisation de méthodes et protocoles de sevrage adaptés, permettront de lutter contre l’état de manque et par là, de réduire l’intensité des symptômes de sevrage qui pourraient survenir.

Les antidépresseurs : règles de sevrage recommandées

par Thérèse du forum SoutienBenzo

Règles générales pour les antidépresseurs

Pourcentage de diminution recommandé : entre 3% et 10%

Longueur des paliers recommandée : entre 12 jours et 30 jours

Dans le cas des antidépresseurs, il faut veiller à avoir le moins de symptômes possibles, voire pas du tout.

Pour minimiser l’intensité des symptômes de sevrage des antidépresseurs, il est donc recommandé de commencer avec des diminutions de 5% et des paliers de 30 jours. Si à ce rythme, le sevrage se passe bien, alors vous avez le choix : soit continuer à ce rythme pour vous assurer un sevrage confortable, soit ajuster le rythme de sevrage pour voir si votre organisme supporte des paliers plus courts. Si à ce rythme (5% et 30 jours), les symptômes de sevrage sont trop intenses, il est recommandé réduire le pourcentage de diminution à 3% et voir si le sevrage se passe mieux. L’important est de maintenir l’intensité des symptômes à son minimum, afin de trouver un rythme de sevrage qui soit le plus confortable possible. Une fois ce rythme de croisière trouvé, nous vous conseillons de vous y tenir.


 

Antidépresseurs: les symptômes de sevrage

 

Les symptômes de sevrage des antidépresseurs

Les symptômes de sevrage (Breggin 2013)

  • Des réactions émotionnelles allant de l’anxiété à la dépression et la manie
  • Des réactions physiques comme des acouphènes, des vertiges, un sentiment de perte d’équilibre et/ou diverses horribles sensations physiques souvent comparées à des chocs ou des décharges électriques dans la tête, le corps ou sur la peau.
  • Des changements d’humeurs :
  • Anxiété et attaque de panique
  • Dépression
  • Manie
  • Des envies suicidaires
  • Irritabilité et colère excessive
  • Insomnie
  • Rêves vifs et paraissant réels
  • Des sensations neurologiques anormales :
  • Vertiges, sensation de tourner ou sentiment d’instabilité
  • Sensations anormales sur la peau
  • Hypersensibilité au bruit et impression d’entendre des sons anormaux
  • Sensations comme des chocs électriques (particulièrement dans la tête)
  • Des mouvements anormaux :
  • Tremblements
  • Spasmes musculaires
  • Pertes d’équilibre et démarche similaire à celle d’une personne ivre
  • Des problèmes gastro-intestinaux :
  • Anorexie
  • Nausées
  • Vomissements
  • Diarrhée
  • Une faiblesse générale du corps
  • Fatigue et lassitude extrêmes
  • Douleurs musculaires
  • Frissons
  • Transpiration
  • Autres :
  • Problèmes visuels
  • Problèmes capillaires
  • Rougissement persistant

Comme le souligne Breggin (2013), ces symptômes ont une origine physique et non psychologique. Garder à l’esprit que si vous développez des sentiments dépressifs, anxieux, maniaque ou d’irritabilité dans les jours ou les semaines qui suivent le début du sevrage, il est plus probable que ce soit une réaction de sevrage plutôt que le retour des problèmes émotionnels d’origine (Breggin, 2013).

L’état maniaque : le principal danger lié au sevrage des antidépresseurs

Comme l’explique Breggin (2013), les nouveaux antidépresseurs comme les anciens peuvent provoquer des réactions émotionnelles à caractère maniaque ou dépressif ce qui peut augmenter le risque d’agressivité ou de suicidalité [pensées suicidaires, tentatives de suicide, suicide].

Étant donné que le risque de suicide, d’agressivité et d’actes violents augmente lors de tout changement de dosage, il est impératif que vous réalisiez votre sevrage sous la surveillance accrue et constante de votre médecin et de votre entourage. Comme le souligne Breggin (2013), lorsque le sevrage d’un antidépresseur provoque un état maniaque, ce dernier peut vous rendre tellement inconscient de ce qui se passe, que vous allez certainement être le dernier à réaliser ce qui vous arrive. Par conséquent, restez vigilant et demandez à votre famille, à vos amis et à votre médecin de surveiller l’apparition de signes qui indiqueraient que vous êtes en train de devenir euphorique, impulsif, « high » ou qu’il est en train de se produire des choses exubérantes et irréalistes qui ne vous ressemblent pas ou qui ne collent pas avec votre vie.

Les signes de l’apparition d’un état maniaque

À l’apparition de ces signes ou symptômes, soyez hypervigilant et assurez-vous de la présence d’une personne de confiance 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Parlez-en immédiatement à votre médecin.

Qu’est-ce que la manie ?

La manie (du grec ancien μανία / maníā «folie, démence, état de fureur») est un état mental caractérisé par des degrés d’humeur, d’irritation ou d’énergie anormalement élevés. Beaucoup d’aspects permettent de considérer la manie comme une «dépression inversée», dans le sens d’une «accélération», une intensification des pensées, des émotions (tout est plus fort, plus vif, plus intense y compris la douleur morale ou la tristesse parfois, ce qui amène à des confusions diagnostiques) (Wikipédia, 2017).

Quels sont les symptômes et les signes d’un état maniaque ?

Des symptômes typiques sont par exemple (Wikipédia, 2017) :

  • une excitation, une exaltation, un ressenti de « pressions intérieures » ;
  • une humeur « élevée » : euphorique classiquement, mais aussi une irritabilité, une plus grande réactivité (« au quart de tour »), une propension à se mettre en colère ;
  • des rires pour des choses futiles ou sans aucune raison.
  • de l’activité sans repos, de l’agitation improductive. La personne commence plusieurs choses et ne les termine pas, par exemple ;
  • une diminution de la pudeur, une « perte de gêne » allant parfois jusqu’à des attitudes de séduction et des contacts sexuels à l’excès ou au hasard (alors que dans son état « normal », la personne n’aurait pas souhaité avoir ce genre de comportement) ;
  • une accélération de la pensée : incessamment de nouvelles pensées traversent la tête de la personne :
  • difficultés de concentration : difficultés à se tenir à une même activité, distractibilité,
  • troubles du cours de la pensée : en parlant de quelque chose, la personne s’écarte encore et encore du fil de sa pensée (digressions multiples) et elle a du mal à retrouver le sujet initial dont elle voulait parler,
  • la fuite d’idées : les pensées se suivent extrêmement rapidement (tachypsychie), se bousculent parfois dans la tête. La personne passe du centième au millième. Les associations d’idées se relâchent. La suite des pensées reste logique pour la personne, mais pour son interlocuteur, il est parfois difficile de suivre le fil du discours (« coq à l’âne »). La personne qui souffre de manie, ayant oublié le but de son récit, n’est plus forcément capable de répondre à des questions ultérieures;
  • un besoin important de parler (logorrhée), et une parole abondante, accélérée, inarrêtable. Il s’agit du reflet de l’accélération des pensées. Dans les cas extrêmes, les paroles se précipitent si rapidement que l’auditeur a des difficultés à suivre ;
  • une assurance excessive ;
  • une réduction du besoin de dormir, sans que la personne ne se sente aussi fatiguée qu’elle le devrait en dormant si peu. La réduction du sommeil est souvent un des premiers signes d’un épisode maniaque ;
  • sentiment altruiste : envie d’aider les autres, ressenti des émotions des autres (hyper-empathie) ;
  • hypersensibilité affective (émotions plus vives) et quelquefois sensorielle ;
  • labilité émotionnelle : le fait de passer facilement du rire aux larmes ;
  • parfois la négligence de l’alimentation ou de l’hygiène

Si, avant le sevrage, vous souffrez de ces effets secondaires graves (manie, …) causés par les antidépresseurs, alors il est impératif que vous vous adressiez à un médecin compétent pour qu’il vous mette en place un sevrage adapté à la situation : un sevrage plus rapide et sous surveillance accrue sera souvent mis en place en vue de réduire l’intensité de ces effets secondaires graves de l’antidépresseur.

Si vous ne présentez pas ce type de réactions (manie, sur-stimulation,…), un sevrage lent et encadré est le meilleur moyen d’éviter qu’elles surviennent.

Les antidépresseurs : règles de sevrage recommandées par Thérèse du forum soutienbenzo

Règles générales pour les antidépresseurs

Pourcentage de diminution recommandé : entre 3% et 10%

Longueur des paliers recommandée : entre 12 jours et 30 jours

Dans le cas des antidépresseurs, il faut veiller à avoir le moins de symptômes possibles, voire pas du tout.

Pour minimiser l’intensité des symptômes de sevrage des antidépresseurs, il est donc recommandé de commencer avec des diminutions de 5% et des paliers de 30 jours. Si à ce rythme, le sevrage se passe bien, alors vous avez le choix : soit continuer à ce rythme pour vous assurer un sevrage confortable, soit ajuster le rythme de sevrage pour voir si votre organisme supporte des paliers plus courts. Si à ce rythme (5% et 30 jours), les symptômes de sevrage sont trop intenses, il est recommandé réduire le pourcentage de diminution à 3% et voir si le sevrage se passe mieux. L’important est de maintenir l’intensité des symptômes à son minimum, afin de trouver un rythme de sevrage qui soit le plus confortable possible. Une fois ce rythme de croisière trouvé, nous vous conseillons de vous y tenir.

 

Pour plus d’informations n’hésitez pas à consulter notre manuel de sevrage:
Le manuel de sevrage des psychotropes

Les références bibliographiques: Références


[1] La nociception désigne l’ensemble des processus mis en place par l’organisme humain pour ressentir, diagnostiquer et réagir à des stimuli intérieurs ou extérieurs négatifs. Il s’agit d’un système d’alarme. Le message nerveux ainsi envoyé aura pour conséquence de provoquer la douleur par l’intermédiaire des nocirécepteurs. Ces récepteurs à la douleur peuvent être musculaires, articulaires ou cutanés (Journal de Femmes avec Santé Médecine, 2017).