10. Suivi psychiatrique dans le privé

Automne 1995

J’étais en première année de Biologie à l’Université de Lausanne.

Je m’étais retrouvée en état de manque à cause de l’arrêt de la prise de neuroleptiques qui m’avaient été prescrits lors de mon passage à la clinique psychiatrique de Nant et ma mère, sur les ordres du psychiatre de cet établissement m’avait envoyée suivre un traitement chez un praticien privé.

Ce dernier, un psychiatre américain venu s’installer en Suisse, me fit changer de traitement médicamenteux: il me mit sous Effexor 37.5

Comme ce produit pharmaceutique n’avait pas encore reçu une autorisation pour être vendu en Suisse, il en avait tout un stock dans une armoire de son cabinet privé. C’est ainsi qu’à chaque consultation avec lui, je recevais une boîte de cet antidépresseur encore non-autorisé dans le pays.

Ce psychiatre ne me voyait que très rarement, car il laissait la psychologue canadienne qu’il avait engagée s’occuper de mon suivi psychothérapeutique. Lui ne me voyait qu’une fois tous les mois pour me donner une boîte d’antidépresseurs.

Mes entretiens hebdomadaires avec cette psychologue canadienne furent agréables. C’était une personne très humaine qui savait écouter. Elle s’était spécialisée dans la thérapie cognitivo-comportementale.

Comme je la trouvais très compréhensive et très compétente, je lui demandais assez rapidement si elle pensait que je souffrais d’une grave maladie mentale. Elle me répondit que non, que je souffrais d’anxiété et que l’anxiété n’était pas une maladie mentale, mais un état généré par des peurs et des inquiétudes et qu’il suffisait de savoir maîtriser ces peurs pour pouvoir faire disparaître l’anxiété.

Elle m’expliqua également que les pensées pouvaient être très anxiogènes et qu’il fallait faire attention à ne pas voir que le côté négatif des choses. Que mon perfectionnisme pouvait aussi devenir une source d’angoisse si je n’y prenais pas garde. Et qu’il fallait essayer de diminuer mon niveau de stress afin que je puisse retrouver une vie plus sereine.

J’écoutais attentivement ce qu’elle m’expliquait et j’appliquais à la lettre les techniques qu’elle me proposait pour vaincre mes angoisses.

Grâce à cette psychologue canadienne, je repris un peu confiance en moi et mon amour-propre commençait lui aussi à se reconstruire.

Mais un jour, elle m’annonça qu’elle ne pourrait plus me suivre, car elle avait décidé de repartir au Canada. Je lui demandais si elle avait le mal du pays et si c’était pour cette raison qu’elle quittait la Suisse.

A ma grande surprise, elle me répondit qu’elle ne supportait plus la façon dont son patron traitait les patients et encore moins la façon de fonctionner de la psychiatrie en Suisse.

Je fus très étonnée qu’elle osa me dire le motif réel de son départ et je lui demandais pourquoi elle l’avait fait. Elle me dit que de toute manière comme c’était son dernier jour au cabinet et qu’elle partait dans quelques jours, elle pouvait bien dire la véritable raison de son départ à ses patients.

Son départ m’attrista, car j’avais trouvé en cette thérapeute une personne humaine, compréhensive et à l’écoute et je n’étais pas du tout certaine que je retrouverai ces qualités auprès de son patron, le fameux psychiatre américain qui gardait des centaines de boîtes d’antidépresseurs dans une armoire dans son cabinet.

Et cela ne tarda pas à se confirmer lorsque je découvris que cet homme ne s’intéressait qu’à l’argent.

En effet, il facturait les entretiens de ses patients avec la psychologue comme si c’était lui qui les recevait en consultation. Les caisses maladie payaient ainsi ce psychiatre pour des consultations qu’ils n’avaient jamais faites. Et pour que la psychologue soit payée pour ses entretiens, il demandait à ses patients de lui apporter 70.- francs suisse à chaque séance (prix de sa consultation). Cela s’appelle de la double facturation.

Ainsi, dès que cela devint trop onéreux pour ma mère de payer les 10% de chaque consultation facturé à l’assurance maladie, plus les 70.- francs hebdomadaires apportés à la psychologue, ce psychiatre lui suggéra une solution financière. Il lui proposa de me déclarer invalide pour que je puisse toucher une rente auprès de l’Assurance Invalidité et ainsi payer mon traitement et mes consultations psychiatriques.

Par conséquent, à 19 ans, j’allais peut-être être déclarée invalide à cause d’un psychiatre cupide…

 


Information

La venlafaxine a été commercialisée en 1997 en Suisse sous le nom d’Efexor®

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