11. Printemps 1996

Printemps 1996

Depuis le mois de septembre 1995, je suivais des cours à la faculté des sciences de l’Université de Lausanne. Quelques mois après le début de cette rentrée universitaire, je souffris de l’arrêt de la prise des médicaments qui m’avaient été prescrits à Nant.

Suite à cet état de manque, je me retrouvais à nouveau suivie par un psychiatre, mais cette fois dans un cabinet privé et non plus en clinique psychiatrique.

Ce psychiatre, un américain, me prescrit de l’Effexor à la place des neuroleptiques que je devais prendre depuis mon passage en unité psychiatrique ambulatoire.

Ce psychiatre voulait également me déclarer invalide à 100%. Je ne savais pas si c’était à cause du coût des traitements ou tout simplement parce qu’il considérait réellement que j’étais malade qu’il voulait prendre de telles mesures.

Quoiqu’il en soit, au printemps 1996, année de mes 20 ans, je devenais rentière AI à 100%.

Au mois de juin de cette année-là, allaient avoir lieu les examens clôturant ma première année de cours en biologie à l’Université.

Tout au long de l’année, j’avais assisté avec assiduité aux cours et aux travaux pratiques. Ma camarade de TP et moi, n’avions obtenus que des A à nos rapports de travaux pratiques. Il faut dire qu’un de mes amis qui m’avait déjà aidée à rattraper mon retard en dernière année de gymnase, m’aidait à bien comprendre le contenu du TP avant que l’on doive le réaliser ma « binôme » et moi. Cet ami ne suivait pas des cours à l’Université, mais avait entrepris un cursus en section mécanique à l’EPFL (Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne).

Ainsi nous nous voyions lui et moi pendant les pauses de midi ou après les cours et il m’aidait à préparer la partie théorique des travaux pratiques. Parfois, il m’aidait aussi en mathématique ou en physique. Grâce à ce soutien très précieux, j’arrivais à intégrer le contenu des cours rapidement et ce malgré mes lacunes.

En fait, j’avais accumulé du retard en mathématiques, en physique et en chimie au cours de mes années d’études dans le secondaire.

En effet, depuis la 6ème année scolaire, je n’avais plus accordé beaucoup de temps à l’école, j’avais préféré passer du temps avec une bande de copines. Nous étions cinq filles, toutes dans la même classe. On s’entendait merveilleusement bien et on avait décidé que l’école s’était une perte de temps.

J’avais passé des moments géniaux en compagnie de ces filles, car elles m’acceptaient comme j’étais c’est-à-dire non-fumeuse, non-buveuse et qui ne se droguait pas. Elles, elles buvaient, fumaient et se droguaient, mais elles ne m’obligeaient pas à le faire.

Ensemble, nous faisions les quatre cents coups et notre amitié grandissait à chaque bêtise.

Nous passions tellement de temps entre nous, que nos notes n’ont fait que baisser depuis la 6ème année scolaire. Ainsi, en 9ème année, deux d’entre nous se retrouvèrent en échec scolaire et les trois autres eurent juste la moyenne. J’étais une des deux filles en échec et je redoublais donc en compagnie d’une amie. Parmi les trois autres, deux décidèrent de faire un apprentissage et la dernière poursuivit ses études en allant au gymnase.

Le fait de redoublé m’ennuyait, mais je décidais que c’était l’occasion de rattraper le retard que j’avais accumulé depuis plus de trois ans. J’arrêtais donc les sorties avec ces quatre amies et je me mis à étudier pendant tous mes temps libres.

Ce fut également dans cet état d’esprit que je commençais le gymnase l’année suivante après avoir réussi ma neuvième et dernière année scolaire obligatoire.

J’arrivais donc à l’Université avec encore quelques lacunes, mais qui étaient insignifiantes. Je les comblais facilement grâce à l’aide de cet ami qui m’épaulait depuis l’année précédente (année du bac).

J’avais fourni beaucoup d’efforts depuis quelques années pour rattraper le retard accumulé dans le secondaire et ça avait enfin payé: j’étais tout à fait à niveau et mes camarades de cours en biologie venaient souvent me demander de l’aide quand ils ne comprenaient pas quelque chose.

La seule chose qui me freinait dans mes études, c’était le traitement médicamenteux que je devais prendre et les séances de psychothérapie avec le psychiatre américain.

Une grande partie de mon énergie passait dans mon combat contre ces traitements psychiatriques.

Je menais en fait deux vies en parallèle. Une vie d’étudiante à l’Université et une vie de malade mentale invalide qui devait suivre un traitement psychiatrique. J’essayais de bien cloisonner les deux afin que la psychiatrie ne vienne pas gâcher ma vie estudiantine.

Mais c’était difficile, car dans ces deux mondes diamétralement opposés, les gens avaient une image de moi bien différente. Ainsi, à l’Université, j’étais une étudiante comme toutes les autres, qui assistait avec assiduité aux cours et qui était toujours prête à donner un coup de main. Alors que dans l’univers psychiatrique, j’étais considérée comme une malade mentale qui ne voulait pas voir à quel point elle était atteinte.

C’était très dur d’être considérée comme une moins que rien par le psychiatre qui me suivait. Après chaque entretien, je me sentais incomprise et rabaissée et je me mettais à douter de plus en plus de ma santé mentale.

A chaque rendez-vous, je doutais de plus en plus de mes capacités, ce qui fit que lorsque les examens arrivèrent, je n’avais plus aucune confiance en moi.

Le premier examen, examen de chimie organique, finit d’achever mon capital confiance. Moi qui connaissais par coeur le support de cours de cette branche, je me retrouvais devant des questions qui n’avaient rien à voir avec le contenu du cours.

Mes camarades m’avaient dit quelques semaines avant le début des examens, que pour l’examen de chimie organique, il fallait apprendre par coeur les réponses des épreuves des cinq années précédentes. Je m’étais donc procuré ces fameuses épreuves, mais comme leur contenu n’avait rien à voir avec ce que nous avions vu pendant les cours, je me dis qu’ils s’étaient certainement trompés et que l’examen porterait sur le livre que le professeur nous avait indiqué comme support de cours.

J’avais donc appris quasiment par coeur le contenu de ce livre et aucunes des questions de cet examen de chimie organique ne portait sur ce que j’avais révisé.

Le décalage entre ce que le professeur avait enseigné au cours et ce qu’il demandait à l’examen me fit perdre pied.

Je me présentais aux autres examens en étant complètement déboussolée et j’échouais mon année.

Au début de cet été 1996, tout un pan de ma vie venait de s’écrouler.

Tout ce que je voyais alors, c’était que j’étais incapable de réussir quoi que ce soit. J’avais échoué à l’école (échec en 9ème année), au gymnase (anxiété qui m’avait conduite en psychiatrie) et maintenant à l’Université. Je commençais à me dire que peut-être le psychiatre avait raison, que je ne serai jamais normale et que c’était lui qui avait vu juste en me déclarant invalide à 100%.

Peut-être fallait-il que j’accepte que je ne serai jamais comme les autres et que cela venait d’une maladie mentale comme me le disaient les psychiatres depuis deux ans?