17. Réactions paradoxales

Année 2006

En cette année 2006, je venais de fêter mes 30 ans.

Cela faisait douze ans que je prenais des neuroleptiques, des antidépresseurs et/ou des anxiolytiques suite à l’hospitalisation ambulatoire en unité psychiatrique que j’avais subie au cours de ma dernière année de gymnase à l’âge de 18 ans.

J’avais bien tenté d’arrêter de prendre ces médicaments psychiatriques à plusieurs reprises, mais je n’y étais jamais parvenue à cause de la dépendance que j’avais développée à ces produits.

A cette dépendance qui durait depuis plus de 11 ans était venue s’ajouter la tolérance au médicament. Ainsi, il me fallait augmenter les doses pour obtenir le résultat des premières prises et calmer les symptômes de manque.

Au début, lorsque la tolérance à un médicament apparaissait, les psychiatres m’en prescrivaient un autre. J’étais ainsi passée d’un médicament psychiatrique à un (ou plusieurs) autre(s) pendant dix ans.

Mais depuis une année, je n’avais plus eu la force d’aller voir un psychiatre. Je n’en pouvais plus de chaque fois faire face à des personnes qui n’en avaient rien à faire de ma souffrance et de ma dépendance à leurs produits.

A chaque fois que j’allais voir un nouveau psychiatre, je nourrissais le fol espoir que ce dernier serait celui qui m’aiderait à arrêter de prendre ces produits. Malheureusement, la seule chose qu’il me proposait, était de changer de médicament et non de l’arrêter.

N’ayant plus changé de médicament depuis plus d’une année, la tolérance que j’avais développée à ce dernier m’avait conduite à en prendre de plus en plus pour éviter de souffrir de l’effet de manque.

A la fin de l’année 2006, je prenais jusqu’à 6 comprimés de Tranxilium par jour. Je me les faisais prescrire par ma généraliste.

Bien évidemment, j’allais de plus en plus mal.

Je commençais à prendre beaucoup de poids, je perdais la mémoire de façon catastrophique, mon raisonnement et ma logique n’étaient plus que de vagues souvenirs.

Je tenais des discours de plus en plus incohérents et mon sommeil n’était plus du tout réparateur même si je passais plus de seize heures par jour à dormir. Une fatigue chronique s’était installée depuis plusieurs années et je n’arrivais pas à en venir à bout

Tous ces effets secondaires n’avaient fait que s’amplifier depuis dix ans et je commençais même à souffrir d’effets paradoxaux très lourds.

Je souffrais d’une anxiété généralisée, d’agoraphobie, de nervosité, d’agitation, d’excitation, d’irritabilité, d’agressivité et de rage irrationnelle.

Cette rage fit peur à mes proches et la plupart coupèrent les ponts d’avec moi.

Comme je supportais de moins en moins bien de me retrouver seule, je décidais d’en parler avec ma généraliste.

J’avais fait quelques recherches sur Internet et j’avais associés mes réactions paradoxales à une nouvelle maladie psychiatrique: L’état limite ou pathologie Borderline.

Mes émotions étaient tellement exacerbées par la prise de Tranxilium que mon état ressemblait tout à fait à la description des personnes Borderlines.

Ma généraliste me donna une adresse à Prangins où une psychiatre spécialiste des Borderlines me reçu.

Bien évidemment, elle confirma que mon exacerbation émotionnelle était le signe clinique de la pathologie Borderline.

Je lui demandais de m’aider à me soigner, mais elle me répondit que comme je n’avais pas fait de tentative de suicide, elle ne pouvait pas me prendre en charge. Le réglement de l’établissement était très clair à ce sujet, seules les personnes ayant commis une ou plusieurs tentatives de suicide pouvaient être admises dans cet établissement.

Je me retrouvais une fois de plus sans aide face à mes problèmes de dépendance et de tolérance aux médicaments psychiatriques, ainsi que face aux nombreux effets secondaires et paradoxaux que ceux-ci entraînaient.

Je retournais donc voir ma généraliste pour qu’elle continue à me prescrire mes doses quotidiennes de Tranxilium.

Je ne savais plus vers qui me tourner pour trouver de l’aide et je me retrouvais de plus en plus seule, ma famille ne supportant plus de me voir dans cet état de délabrement avancé.

A la fin de cette année 2006, je ne sortais plus de chez moi que pour aller chercher ma prescription de Tranxilium…

 


Information:

« Réactions paradoxales aux benzodiazépines

Les effets paradoxaux des benzodiazépines

Les effets paradoxaux des benzodiazépines (effet contraire à l’effet recherché) sont à distinguer des effets secondaires (aussi appelés effets indésirables). Ces derniers peuvent être gênants ou même dangereux pour la santé, ils ne sont pas pour autant appelés paradoxaux. Ils sont souvent bien identifiés par les médecins (ainsi la perte de mémoire) et par le patient, car ils n’entretiennent aucun rapport avec la situation qui a conduit le patient à prendre la benzodiazépine et le médecin à la prescrire.

Les effets paradoxaux en revanche sont bien plus compliqués à reconnaître car ils sont mal identifiés par le patient et son médecin. Ils sont bien souvent interprétés comme une dégradation autonome de l’état du patient, ce qui conduit à la poursuite du traitement (ou à l’augmentation des doses), alors que c’est précisément le traitement qui aggrave l’état du malade.

Le cercle vicieux s’enclenche alors, la poursuite du traitement ou l’augmentation des doses entraînant une nouvelle aggravation de l’état du patient, à nouveau mal interprétée, et ainsi de suite.

Bien souvent, c’est le patient qui identifiera, le premier, cet effet paradoxal. Les médecins sont trop peu informés de l’existence -et de l’occurrence somme toute assez fréquente- de ces effets paradoxaux et ils refusent souvent l’interprétation que le patient fait de son propre état de santé. Ceci place le patient dans une position impossible, tant en raison de sa situation très dégradée que de l’état de dépendance dans lequel il se trouve déjà engagé.

Les effets paradoxaux sont pourtant indiqués sur les notices des benzodiazépines (même s’ils sont naturellement minimisés pour les raisons que l’on sait). Ils varient souvent d’une benzodiazépine à l’autre et d’un patient à l’autre.

Les effets paradoxaux des benzodiazépines sont les suivants :
– aggravation (ou apparition) de l’insomnie
– aggravation (ou apparition) de l’anxiété, du trouble panique, du trouble d’anxiété généralisée
– aggravation (ou apparition) de la nervosité, de l’agitation
– aggravation (ou apparition) de phobies (ainsi l’agoraphobie, la phobie sociale, les peurs irrationnelles)
– aggravation (ou apparition) de l’hypomania, de l’excitation
– aggravation (ou apparition) de l’agressivité, de l’hostilité, d’une rage irrationnelle
– aggravation (ou apparition) de l’hyperactivité
– aggravation (ou apparition) de spasmes musculaires, du syndrome des jambes / bras qui bougent tous seuls (Restless Leg syndrome), de tremblements
– aggravation (ou apparition) de cauchemars, rêves très mouvementés

Une personne ayant expérimenté une des réactions paradoxales aux benzodiazépines est très susceptible de les connaître presque toutes si elle n’est pas avertie du risque et poursuit son traitement (ou l’augmente). Les études varient quant à leur appréciation du pourcentage de personnes susceptibles de connaître un effet paradoxal aux benzodiazépines (les estimations les plus basses l’évaluent à 1 pour mille, les plus hautes à 5 pour cent).  »

Source: http://benzodiazepines.onlc.fr/index.php?page=6