4. Premier entretien psychothérapeutique

Depuis le début de ce mois de novembre 1994, ma vie avait pris une tournure que je n’aurais jamais pensée possible.

Les psychiatres de l’Hôpital psychiatrique de Nant m’avaient pris ma liberté et m’avaient contrainte à suivre un traitement médicamenteux contre mon gré. Pendant un mois, ils m’avaient administré quotidiennement des psychotropes par voie intraveineuse.

Mon corps avait alors acquis une dépendance à ces substances et j’ai fini par les prendre docilement par voie orale.

Comme j’avais fini par plier et par avaler sans résister les anxiolytiques et les neuroleptiques qu’ils m’avaient prescrits, les psychiatres ont décidé qu’il était temps de me faire entreprendre une psychothérapie.

Ils ont donc fixé des dates de rendez-vous à une fréquence de deux fois par semaine. Il n’y avait plus de problème pour savoir si ça allait convenir avec les horaires de mes cours, car j’étais maintenant incapable de suivre ne serait-ce qu’une heure de cours, les médicaments me faisant dormir jusqu’à 23 heures par jour.

Toutefois, le fait que je dorme autant et que j’ai perdu dix kilos en si peu de temps ne semblait pas inquiéter ma mère outre mesure. Elle ne voyait pas du tout le traitement psychiatrique qui m’était imposé comme néfaste pour ma santé. Je crois que c’est une chose qui me laissera toujours perplexe: Comment une mère peut laisser son enfant aux mains de personnes qui visiblement sont en train de la détruire sans intervenir? Peut-être que c’est là que se manifeste la toute puissance de la psychiatrie: Personne n’ose remettre en cause leurs traitements et encore moins leur autorité.

Après ce mois de silence, on allait me parler. Je dois dire que cela ne m’enchantait pas plus que ça, car que pouvais-je bien dire à de telles personnes? Je n’avais pas du tout envie de confier quoi que se soit à ces médecins qui m’avaient pris ma vie.

Et encore une fois, je me rendis à contre coeur à l’hôpital psychiatrique de jour de la fondation de Nant, pour ce premier entretien thérapeutique.

Je me disais que ça ne pouvait pas être pire que ce qu’ils m’avaient déjà fait. Eh bien j’avais tort….

Arrivée dans l’établissement, on me conduisit à nouveau dans cette chambre que je connaissais maintenant si bien. Mais cette fois on me demanda d’enlever tous mes vêtements, même ma petite culotte. Là, je restais à nouveau interdite. Quoi? Que me demandaient-ils de faire pour commencer cette entretien psychothérapeutique? Doit-on vraiment être nu pour pouvoir parler? Non, certainement pas!

Je reposais la question pour être sûre de ce que j’avais entendu et effectivement ils réitérèrent leur demande. Je refusais. Il n’était pas question qu’ils me mettent toute nue pour parler.

Mais ils insistèrent en disant que cela faisait partie de la thérapie, que je devais me mettre nue pour qu’ils puissent m’envelopper dans des draps trempés dans de l’eau glacée. Ils appelaient cela les « packs ». Effectivement, ligoté dans une dizaine de draps gelés, le patient ne peut ressemblé qu’à un paquet.

Je refusais de nouveau avec force de me plier à leur traitement. Il n’était pas question que j’ôte mes vêtements devant ces personnes qui m’inspiraient si peu de confiance. Adolescente pudique, j’avais toujours eu de la peine à me mettre nue ne serait-ce que devant ma mère ou ma soeur, alors me retrouver dans cette tenue devant des personnes qui ne m’inspiraient que de la peur, pas question!

S’engagea pour moi un nouveau combat: celui de garder le peu d’amour-propre qu’il me restait en ne cédant pas à cette humiliation. J’avais déjà perdu beaucoup, je n’allais pas encore perdre le peu de dignité qu’il me restait.

Je résistais avec une force redoublée. Des larmes de colère et d’incompréhension me coulaient le long des joues pendant que je faisais à nouveau face à mes trois tortionnaires: L’infirmier, l’interne en psychiatrie et le psychiatre en chef.

Cette fois, j’étais bien décidée à ne pas les laisser gagner plus de terrain qu’ils ne l’avaient déjà fait. Pendant les 45 minutes que durèrent ce pseudo entretien psychothérapeutique, je résistais vaillamment et je réussis à garder tous les bouts de tissu qui me couvraient le corps.

Je rentrais épuisée à la maison et terrorisée à l’idée de devoir retourner dans cet hôpital le surlendemain pour le second entretien.

Je me sentais seule dans ce combat, car je ne pouvais pas en parler à ma mère, étant donné qu’elle était raliée à leur cause et qu’elle était persuadée qu’ils me faisaient subir tout ça pour mon bien.

Encore une fois, j’allais devoir me battre seule pour défendre mon intégrité.

Je dormis très mal, les cauchemars ayant commencé à peupler mes nuits.

Deux jours plus tard, je retournais, un peu abattue, au second entretien. Je n’étais plus sûre du tout de pouvoir tenir très longtemps face aux discours humiliants de ces psychiatres.

J’essayais pourtant de résister, encore et toujours. Je ne voulais pas céder et perdre toute ma dignité.

Malheureusement, je ne résistais pas très longtemps. Je tentais toutefois de négocier un compromis: Je voulais bien enlever mes vêtements et me laisser ligoter dans ces draps glacés sans faire d’histoire si je pouvais garder mes sous-vêtements. Mais encore là, ça ne leur suffisait pas. Pour eux, il fallait que je sois totalement nue pour entrer dans leurs « packs ».

Ne supportant plus leur chantage, j’enlevais ma culotte en pleurant toutes les larmes de mon corps: Mon amour-propre venait de voler en éclats…

Je venais de perdre les derniers vestiges d’humanité qu’il me restait: ils avaient gagné, je n’étais plus rien…