02/02/2012
Quelles sont les séquelles après l'arrêt des médicaments?
Question qui m'a été posée récemment:
Bonjour Carole,
Lorsque tu dis que tu as gardé des séquelles peux tu nous en dire un peu plus stp. Penses tu que ces séquelles sont dues à un sevrage trop brutal!!! Et penses tu que cela soit irréversible.
Merci
Luc
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Réponse
Bonjour Luc,
Je suis très chanceuse, car je n'ai pas de séquelles qui soient insupportables. J'ai gardé une sensibilité accrue à la lumière et de légers acouphènes quand je suis fatiguée ou stressée.
Comme pratiquement toutes les personnes qui ont pris des psychotropes pendant un certain temps, j'ai vu mon système nerveux devenir hypersensible et hyperréactif. Je pense que c'est dû aux modifications qui interviennent dans la physiologie du cerveau lors de la prise de substances psychoactives. Ce qui me fait dire cela c'est la réponse que donne Ray Nimmo au sujet de la neuroadaptivité:
8. Le syndrome de sevrage aux benzodiazépines, c'est quoi?
Le syndrome de sevrage aux benzodiazépines semble être causé par une modération de l'action du GABA. Cette modération de l'action du GABA est due à une neuroadaptivité (le GABA a adapté son mode de fonctionnement à la présence des benzodiazépines). Cette neuroadaptivité a rendu le GABA dépendant à la stimulation des benzodiazépines pour initier son action. En d'autres mots, lorsque vous êtes devenu dépendant à une benzodiazépine, votre GABA est incapable d'exercer son action naturelle sans la présence de benzodiazépine. Il en résulte une grande variété de suractivité dans diverses régions du cerveau, ce qui provoque une vaste collection de symptômes. Ces symptômes sont l'expression de diverses manifestations de la surexcitation neurologique: Les cellules du cerveau deviennent particulièrement sensibles à l'action des neurotransmetteurs excitateurs. La manifestation la plus extrême de cette sur-excitations sont les crises d'épilepsie et de convulsion.
Le syndrome de sevrage aux benzodiazépines se distingue de celui d'autres classes de médicaments de par sa sévérité et sa durée.
Les manifestations du sevrage (l'état de manque) apparaît soit lorsqu'il y a tolérance et que la dose n'a pas été augmentée pour y palier, soit lorsqu'il y a une diminution de la dose en dessous du “seuil de tolérance”. Le seuil de tolérance est le niveau de la dose en dessous duquel le fonctionnement de vos récepteurs est altéré à cause d'un manque de stimulation de la part du médicament. Il se peut que votre seuil de tolérance soit inférieur à votre dosage actuel, si bien que vous pourrez diminuer votre dose sans ressentir de symptômes de sevrage.
En règle générale, le syndrome de sevrage d'un médicament est le miroir de ses effets primaires. Ainsi pour les benzodiazépines, vous pouvez vous attendre à des insomnies (miroir de leur effet hypnotique), de l'anxiété (miroir de leur effet anxiolytique), de la tension et des douleurs musculaires (miroir de leur effet myorelaxant (=relaxant musculaire)) et dans de rares cas, de crises d'épilespsie ou de convulsion (miroir de leur effet anti-épileptique). La seule exception est que le syndrome de sevrage aux benzodiazépines ne reproduit pas l'effet amnésique en miroir (il n'améliore pas la mémoire). Au contraire, le syndrome de sevrage provoque souvent une augmentation des problèmes de mémoire et de cognition. Cependant, dans tous les cas, après un sevrage complet et une rémission totale, les fonctions cognitives reviennent progressivement au niveau qu'elles avaient avant que vous preniez des médicaments.
source: http://benzo.forumactif.org/t903-reponses-aux-questions-l...
Ainsi, comme le neurotransmetteur GABA a adapté son mode de fonctionnement pendant des années à la présence des benzodiazépines (il en va de même, à mon avis, pour les autres neurotransmetteurs qui ont adaptés leur fonctionnement à la présence d'un autre psychotrope), il garde ce mode de fonctionnement différent même quand la substance psychoactive n'est plus là. Comme l'explique Ray Nimmo, le neurotransmetteur (ici GABA) n'est plus complètement capable d'exercé son action naturelle, ce qui fait qu'il n'arrive plus à remplir complètement son rôle de neurotransmetteur inhibiteur, ce qui fait qu'il y a un déséquilibre entre l'action inhibitrice et l'action excitatrice des neurotransmetteurs en présence. Ainsi, l'action excitatrice reste plus forte (puisque moins inhibée par le(s) neurotransmetteur(s) inhibiteur(s)). Il en résulte que notre cerveau est plus excité de façon constante qu'il ne le devrait, ce qui le rend hypersensible et hyperréactif aux événements excitateurs.
Etant donné, qu'il y a déjà un déséquilibre causé par la neuroadaptivité de certains récepteurs liés à certains neurotransmetteurs inhibiteurs (neurotransmetteurs GABA en ce qui concerne la prise de benzo), il faut éviter à tout pris de faire augmenter le niveau des substances dites excitatrices dans le cerveau. Ces substances sont entre autres: la caféine, la nicotine, l'aspartame, le monosodium glutamate (E621), les boissons dites énergisantes, l'alcool, les psychotropes, ....
Pour prendre une image: c'est comme si on avait une balance à deux plateaux. Sur un de ces plateaux, on aurait les substances inhibitrices et sur l'autre les substances excitatrices. Le cerveau, en temps normal, fait en sorte de toujours avoir ces deux plateaux en équilibre et quand il y a déséquilibre entre ces deux plateaux parce qu'un événement c'est produit, il arrive facilement à retrouver l'équilibre, soit en produisant plus de substances inhibitrices (si trop d'excitation), soit en produisant plus de substances excitatrices (si trop d'inhibition).
Après la prise de benzos et leur arrêt, le cerveau n'est plus capable de maintenir cet équilibre aussi bien, car il s'est adapté au biais créé par la présence des benzos qui augmentaient de façon artificielle le poids sur le "plateau inhibiteur". Le cerveau se retrouve donc avec un bien très important une fois qu'on lui a retiré le psychotrope qui maintenait un poids sur le plateau inhibiteur du système inhibition/excitation. C'est comme si pendant des années la balance avait toujours eu un poids de 2 kg sur un des plateaux (plateau inhibiteur) et qu'il avait toujours du le compenser en produisant toujours 2 kg supplémentaire sur le plateau excitateur pour compenser le biais de départ induit par l'apport quotidien de médoc.
Une fois qu'on enlève ces 2 kg du plateau inhibiteur (sevrage des benzos ou autre psychotrope), le plateau excitateur fait plonger la balance de son côté et maintient donc le corps et le cerveau dans un état d'excitation à cause de l'habitude qu'il a pris de surcompenser le déséquilibre créé par les "2 kg" maintenus de façon constante par l'apport de benzos sur le plateau inhibiteur. C'est pour cela qu'on dit de diminuer très très lentement la prise de benzos (et d'autres psychotropes), ça évite au cerveau de se voir retirer brutalement les "2 kg" sur un plateau. En diminuant lentement, le cerveau a le temps de compenser petit à petit le déséquilibre qui se crée, plutôt que de devoir le faire d'un coup.
Maintenant, il arrive très souvent que le cerveau se soit tellement bien adapté à la présence de ces "2 kg" en plus sur le plateau inhibiteur, qu'il soit maintenu en état d'excitation après l'arrêt (le retrait du poids qui faisait pencher la balance de 2 kg sur le côté inhibiteur). Cet état rend notre système nerveux hyperréactif et hypersensible.
En effet, quand le cerveau reste dans un état d'excitation plutôt que dans un état d'équilibre, c'est pour être prêt à réagir. C'est ça façon à lui de se préparer à l'action. Cette préparation à l'action met le corps en état de vigilance en augmentant la production de substances dans tout le corps. Par exemple, il y a augmentation de la production des hormones du stress: adrénaline, épinéphrine, ... .
Le corps est donc maintenu en état de vigilance par le déséquilibre créé par la neuroadaptivité du cerveau aux benzos et à leur arrêt.
Bien évidemment, le cerveau est capable de se réadapter dans l'autre sens, mais il lui faut du temps et il faut éviter de surcharger le plateau excitateur qui penche déjà dangereusement à cause de sevrage (= éviter de consommer des substances excitatrices (caféine, aspartame, ....) qui iront directement surcharger le plateau excitateur déjà trop lourd).
Les séquelles qu'il me reste sont donc directement liées à ce déséquilibre. Avec le temps, ça se compense gentiment, mais en attendant, mon système nerveux est devenu ultra-sensible et ultra-réactif à certaines substances alors qu'avant la prise de médocs il ne l'était pas. Je dois donc faire très attention à mon hygiène de vie pour ne par ressentir d'angoisses, ne pas avoir des maux de tête, ne pas avoir des problèmes digestifs, etc...
Il faut savoir que ce déséquilibre inhibition/excitation du système nerveux ne se produit pas uniquement dans le cerveau, il est aussi présent dans les autres parties inervée du corps. Les viscères sont inervées et comme un déséquilibre est également induit à ce niveau là, on se retrouve souvent à avoir des problèmes gastro-intestinaux...
Pour ma part, depuis que je fais bien attention à ce que je consomme, que je pratique une activité physique régluière et que j'utilise des techniques pour maintenir mon niveau de stress au minimum, je vois mon état s'améliorer de jour en jour. Je pense que si on fait tout pour maintenir notre organisme dans un état de fonctionnement "normal", sans lui imposer des excès de stress, de non activité ou d'apport de substances excitantes, il a de meilleures chances de pouvoir rapidement rééquilibrer ses systèmes excitateurs et inhibiteurs.
Maintenir une hygiène de vie "sobre" me permet de n'avoir que de petites séquelles dues à la prise chronique de psychotropes pendant 13 ans (+ 1 an de sevrage).
Je suis plus facilement angoissée qu'avant, car mon stress monte plus facilement...
J'ai toujours des problèmes de mémoire. Il faut savoir qu'une bonne mémorisation est liée au niveau d'hormones du stress (substances excitatrices) présentes dans le sang. Ainsi, quand on a trop peu de ces substances, on mémorise mal et quand on en a en excès, on mémorise mal.
La mémoire a aussi comme support des structures physiques qui ont souvent été endommagées par la prise de psychotropes. La mémoire utilise plusieurs mécanismes pour fonctionner et la plupart du temps, ces derniers sont modifiés et en partie rendu non-fonctionnels par la prise de médicaments psychoactifs. La mémoire utilise des procédés chimiques et physiques pour fonctionner et ces derniers sont souvent grandement altérés par les déséquilibres engendrés par l'apport puis le retrait des substances psychoactives comme les benzos et les autres médicaments psychiatriques.
Avec le temps, il est possible au cerveau de reconstruire ces structures et de refaire fonctionner ces mécanismes. Mais en attendant, les problèmes de mémoire sont là et sont une séquelle assez pénible de la prise de psychotropes.
Bref, les séquelles les plus importantes que j'ai sont dues, à mon avis, à cette neuroadaptivité du fonctionnement du cerveau en réponse au déséquilibre inhibition/excitation induit par les psychotropes.
Le cerveau est capable de s'adapter à beaucoup de choses grâce à ce qu'on appelle la neuroplasticité et je suis certaine qu'il est possible de le réadapter après des années de déséquilibre induit par les médocs en faisant attention à ne lui apporter que des substances non-stressantes, en lui faisant faire des exercices (de mémoire, de réflexion, ...) pour l'obliger à reconstruire "ses circuits" abîmés et en pratiquant de l'exercice physique pour l'obliger à métaboliser plus rapidement les substances dites du stress.
J'espère avoir répondu à ta question même si elle portait plus sur quelles sont les séquelles qu'il me reste après le sevrage, plutôt que sur les mécanismes qui selon moi induisent ces séquelles ;).
Bonne journée,
Carole
10:14 Publié dans Psychiatrie | Tags : antidépresseurs, anxiolytique, séquelles, sevrage, effets, secondaires, douleurs, angoisse, anxiété, attaque de panique, peur, stress, neuroleptique | Lien permanent | Commentaires (3) | Trackbacks (0) | Envoyer cette note
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Commentaires
Bonsoir et bravo pour ce blog.
Je comprends que ce que je vis actuellement est la conséquence directe d'une prise de benzos durant plus de 15 ans .J'ai envie plus que jamais de me sevrer , mais lorsque l'on a pas de famille ,plus de logement , que l'on a peur de vivre seule , on fait comment?
Seule et non entourée je ne peux pas entamer ce sevrage et cela me rend encore plus anxieuse et m'encouragera malgré moi à faire des bêtises .
Je cherche un endroit où je pourrais faire cela au calme , entourée rassurée , mais cela n'existe pas .
Suis donc condamnée faute de structures adaptées , d'entourage ?
Ma vie ne ressemble plus à rien et un forum aussi bien fait soit il ne suffit pas à aider , il peut donner des conseils judicieux , mais se sevrer de 15 années de benzos alors qu'on est entrée en tolérance et que la vie est devenue une non vie , un enfer , on fait comment? ça c'est ma question . Amicalement et merci pour ta réponse .
Marie
Écrit par : marie | 08/11/2012
Bonjour Marie,
Malheureusement, je n'ai pas de réponse à votre question. Je suis passée par plus de 13 ans de prise de médicaments psychiatriques et j'étais entrée en tolérance également après tant d'années de prise. Dans mon blog et dans mes vidéos, j'explique simplement ce que j'ai vécu, ce que j'ai appris sur les médicaments et je donne quelques conseils pour permettre aux personnes dépendantes de médicaments psychiatriques d'avoir des informations pour trouver un moyen de se sevrer de ces produits. Le forum d'entraide au sevrage serait simplement à ce que des personnes qui vivent une dépendance aux médicaments psychiatriques et qui ne trouvent pas de soutien aient un endroit où échanger et où trouver des conseils et du soutien.
Toutes les victimes des médicaments psychotropes ont connu de graves difficultés à cause de ces produits. Elles ont pour la plupart perdu leur emploi, n'étant plus capables de travailler à cause des symptômes engendrés par ces produits. Elles ont perdu le soutien de leur entourage ainsi que la compréhension du corps médical. Les problèmes financiers viennent dans la grande majorité des cas s'ajouter à cet enfer.
Chacune de ces personnes a trouvé une solution pour parvenir à mettre en place un protocole de sevrage. Finalement, c'est malheureusement le seul moyen de sortir de l'enfer de la médication psychiatrique, c'est de trouver soi-même une solution à notre situation, puisqu'il n'existe pas en Suisse, ni en France des établissements adaptés pour se sevrer correctement. (En Angleterre, cela commence à exister...)
Je sais que c'est très difficile de se sortir de la médication et que rien n'est fait pour qu'on y parvienne. On se retrouve seul, souvent isolé et sans travail après des années de prises et c'est, dans la grande majorité des cas, dans ces conditions qu'il faut entreprendre un sevrage.
C'est à vous de trouver une solution pour mettre en place un protocole de sevrage, car je vous l'assure, aucune structure ne le fera correctement pour vous. Pour être sûre de bien mettre en place vos diminutions, je vous conseille de demander l'aide des personnes présentent sur le forum d'entraide au sevrage http://benzo.forumactif.org/. C'est également un lieu d'échanges qui permet de se sentir moins seul quant on est isolé. Un soutien de personnes qui comprennent ce que vous vivez n'est jamais de trop.
Courage, n'abandonnez pas et donnez vous les moyens d'y parvenir, car personne d'autre ne le fera pour vous...
Cordialement,
Carole
PS: Exemple de protocole de sevrage: http://www.psychotropes.info/files/TableauTitration1.xls
Vidéo d'explication: http://www.youtube.com/watch?v=lYY1nc2c2l4
Écrit par : Carole | 08/11/2012
Bonjour
je parcours souvent votre site et c est grace a ce site ( et a vous Carole ) que j ai reussi a me sevrer , aujourd hui ça fait deja 5 mois 1/2 sans plus rien prendre du tout
mon histoire comme beaucoup d autre est terrible et je suis devenu un spectre ambulant a cause des erreurs des medecins ....... 13 ans de benzos ( lorazepam , bromazepam , alprazolam ( xanax ) + antidepresseurs , neuroleptiques , litium etc .....
aujourd hui je vais commencer mon 6eme mois de post sevrage et j ai toujours des symptomes terrible et qui m empeche de vivre normalment......
mes symptomes sont : une vision tres mauvaise et trouble ( floue ) , des douleurs dans tout le corp specialment aus jambes ( terrible ) , une faiblesse tres forte ( au point de m etre couché par terre dans un coin du supermarche pendant que je faisais mes courses) , mal de tete ,nausee, des jours avec des problemes intestinaux , une perte de tonus considerable , une sensation presque constante de ne pas etre dans mon corps, des etourdissements , malaise generale , mauvaise qualite de sommeil ..... enfim , et pour vous dire que je suis 50% mieux que quand je prenais les medicaments ....... imaginez seulement!!!!!! j ai laisse presque toutes mes plumes dans cette histoire qui dure pendant des annees
quand j ai commence a reduire les doses , tout de suite les douleurs et d autres symptomes sont arrives , donc je suis convaincu que c est le sevrage ce qui me tranquilise pas mal ..... mais je me dis quand meme que ca fait deja 6 mois que je ne prend plus rien et je suis tres mal encore
j ai peur de rester comme ça a jamais , vu que sur le site du prof asthlon , elle precise que çes symptomes peuvent dures jusqu a un an ou a jamais
qu en pensez vous?? c est normal encore d etre mal apres 6 mois ????
mon histoire est bien particuliere comme la votre et si vous voulez je peux ecrire un temoignage pour vos lecteurs .....
je m excuse des fautes d ortographes mais c est que j ai du mal a penser ...... je suis français mais je vis au Bresil depuis tout petit et il faut penser pour ecrire
merci
Emeric
Écrit par : emeric | 12/11/2012
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