1. primum non nuocere

On m’a souvent conseillé d’écrire un livre sur ce qui m’était arrivé pour que d’autres sachent ce qui peut se passer lorsqu’on est trop crédule.

J’avais 18 ans lorsque mon calvaire a commencé, j’en ai maintenant 34 et je relève à peine la tête.

A 18 ans, on est encore très confiant en l’avenir et en l’humanité. Et donc, à aucun moment je n’ai pensé que je devais me méfier des personnes qui prenaient soin de moi: A aucun moment, je n’ai pensé que la médecine pouvait nuire à la santé d’une personne.

Quand on sait que le médecin doit toujours oeuvrer pour le bien de son patient en gardant en tête la célèbre formule latine: « primum non nuocere » qui veut dire: « en premier lieu ne pas nuire », on se demande comment ils peuvent agir comme ils le font.

Un médecin doit toujours respecter la personnalité, la volonté et les droits de ses patients. Il doit également veiller à ne jamais abuser de sa position et à ne jamais exploiter la dépendance de son patient.

Eh bien tout cela n’a été que de la théorie pour les médecins qui se sont occupés de moi, car dans la pratique, leur devise pourrait être: pognon, pognon, surtout du pognon.

C’est un peu cru ce que je dis pensez-vous. Effectivement, ils ne sont pas tous comme cela. Pour exemple, je pourrais déjà vous parler de ma doctoresse généraliste qui a toujours été là pour moi et qui m’a toujours traitée en Etre humain.

Les médecins dont je parle font partie d’une catégorie à part, ils appartiennent à la psychiatrie. La psychiatrie est vraiment une branche très spéciale, je ne considérerais jamais les personnes qui la pratiquent comme des médecins, ce sont des businessmen! Ils font de la détresse des autres leur gagne-pain et ne se privent pas pour abuser de leur position d’hommes de science et de la dépendance de leurs patients fragilisés par la vie.

Ils vont donc à l’encontre de l’éthique et du code de déontologie qu’est sensé respecter tout bon médecin.

J’avais 18 ans, j’étais en troisième et dernière année de gymnase. J’avais mis tellement d’énergie pour réussir mes deux premières années que je commençais à fatiguer nerveusement. Le sommeil me faisait sérieusement défaut et la fatigue me gagnait de jour en jour. J’avais tellement peur de ne pas être à la hauteur en commençant le gymnase, que depuis le début j’avais mis ma vie d’adolescente entre parenthèses. J’avais arrêté de sortir, de faire du sport, de voir des amis, de faire la fête; j’avais vraiment arrêté de vivre pour pouvoir me consacrer entièrement à mes études.

Je passais tout mon temps à étudier, c’était devenu ma raison de vivre, je m’y accrochais comme à une bouée en pleine mer un jour de tempête. J’avais investi tout mon Etre dans cette activité.

Evidemment, la pression qui en découlait était énorme. Je m’étouffais dans cette quête de réussite. Et ce qui devait arriver, arriva: La pression étant devenue trop forte, la digue a cédé et je me suis mise à pleurer tous les soirs en rentrant des cours.

Je n’arrivais plus à dormir et par conséquent plus à me reposer. La fatigue m’ayant ainsi envahie, mes nerfs lâchaient tous les soirs et les larmes se mettaient à couler sans que je puisse les arrêter.

Je ne trouvais aucun réconfort auprès de ma mère qui était elle débordée par ses propres inquiétudes. Je ne devenais pour elle qu’un souci supplémentaire venant se greffer sur ses angoisses.

Je comprends d’ailleurs très bien qu’étant incapable de me venir en aide, elle ait décidé d’accepter l’aide qu’on lui proposait.

Ainsi, je me retrouvais assise juste à coté de ma mère, dans une toute petite pièce, en face de quatre professionnels de la santé. Il y avait la psychologue qui me suivait depuis quelques temps à la demande de ma mère et trois personnes venant de Nant.

Je me suis retrouvée dans cette situation, car la psychologue qui me suivait ne s’occupait que des enfants et ayant eu 18 ans cette année-là, elle ne pouvait ou ne voulait plus assurer mon suivi. Elle a donc dit à ma mère qu’il valait mieux me confier à des spécialistes pour adultes.

Donc, dans cette pièce, se trouvaient en face de moi: un infirmier psychiatrique, un psychiatre de Nant. Je ne les avais jamais vus avant, mais il était apparemment clair pour eux qu’il fallait m’interner en hôpital psychiatrique sur le champ. Ils étaient venus là pour ça et ils ne repartiraient pas sans avoir atteint leur but.

Je ne sais pas ce que la psychologue leur a dit, mais je pense qu’elle a été dépassée par les événements pour qu’on en arrive à un tel résultat.

Ils ont tenté pendant plus de trois heures de me faire céder. Mais rien de ce qu’ils pouvaient me dire ne me donnait la moindre envie de les suivre. Quelle personne sensée aurait envie qu’on l’enferme dans un hôpital psychiatrique alors qu’elle est en train de suivre de études qui la passionnent et qui lui promettent un avenir professionnel de toute beauté?

Certes, j’avais besoin de revoir mes priorités. Mes notes pendant ces deux premières années de gymnase avaient toujours été très bonnes. Je figurais parmi les trois premiers de la classe. J’aurais simplement dû lever le pied et reprendre quelques activités d’adolescente. Ma moyenne aurait peut-être un peu chuté, mais pas au point de me faire échouer. Finalement, j’avais juste besoin qu’on me dise que le vie ne se résumait pas à réussir son baccalauréat et que j’avais le droit de vivre mon adolescence en même temps que mes études.

Mais alors comment me suis-je retrouvée, un soir après une journée de cours, à devoir me battre pour ne pas être internée? Comment en sont-ils venus à cette idée?

Et j’ai bien lutté, j’ai tenu plus de trois heures assaillie par leurs arguments en faveur d’un internement. Je me suis battue, j’ai résisté, je ne voulais pas qu’on m’enferme. Je n’avais rien à faire là-bas. J’y étais presque quand ils ont prononcé la phrase qui m’a fait céder:

« Tu vois ce que tu fais subir à ta mère ! »

Là, j’ai craqué….