Mémoire et traumatisme

Souvent lorsqu’on consulte un thérapeute, quel qu’il soit, il nous demande de parler de notre passé, des éléments qui nous ont traumatisés ou qui nous ont fait souffrir.

Au cours d’une thérapie, il arrive très fréquemment que le praticien nous demande de replonger dans les souvenirs désagréables de notre passé. Si le praticien en fait quelque chose de constructif, cela peut grandement nous aider. Mais si le praticien utilise mal ces souvenirs négatifs, cela peut grandement nous nuire. Pourquoi me direz-vous ? Et qu’est-ce que cela veut dire: faire quelque chose de constructif avec les souvenirs ?

Pour prendre un exemple, le praticien EMDR va vous demander de vous souvenir des événements qui vous ont traumatisé et par le biais de sa technique, va vous amener à détacher vos émotions négatives (peur, angoisse, terreur, sentiment d’impuissance, sentiment de culpabilité,…) des événements qui se sont produits. Il va vous aider à reconstruire vous souvenirs de telle manière qu’ils ne soient plus douloureux pour vous et que les prochaines fois où vous vous remémorez ces souvenirs, ils ne vous plongent plus dans l’état de détresse intense dans lequel vous vous êtes retrouvé au moment où le(s) événement(s) traumatisant(s) se sont produits. Le praticien EMDR va donc vous amener à replonger dans vos souvenirs douloureux / traumatisants dans le but de modifier les éléments cognitifs et émotionnels négatifs liés à ce souvenir : il va vous aider à modifier la signification que vous avez accordé aux événements, à associer d’autres émotions à ces événements et à leurs associer d’autres sentiments que le sentiment d’impuissance ou de culpabilité qui sont souvent associés à des situations traumatiques.

Dans ce cas, le praticien va faire quelque chose constructif avec vos souvenirs désagréables / traumatisants, il va vous aider à modifier les éléments douloureux qui y sont lié.

En revanche, le praticien qui vous demande de vous remémorer vos souvenirs douloureux et traumatisants sans rien en faire, peut grandement augmenter votre détresse et votre souffrance par rapport à votre vécu. En effet, le praticien qui vous place dans cette situation, vous plonge encore et encore dans le vécu traumatique, ce qui ravive les sentiments et les émotions douloureux qui y sont liés.

Pourquoi ? Comment cela est-il possible ? Comment cela se produit-il ? Quels mécanismes sont en jeu ?

Je vais prendre un exemple pour que vous compreniez mieux. Une personne qui a vécu un événement grave, comme un viol, une agression ou des maltraitances répétées, et à qui le praticien demande de se replonger intensément dans ces situations traumatiques, va revivre les sensations physiques, les sentiments et les émotions qui y sont rattachés.

En fait, « ressasser le passé » nous fait revivre les moments difficiles comme si on y était, car notre corps et notre esprit se replongent dans l’état dans lequel ils étaient lorsqu’on était dans cette situation et qu’on souffrait. On se met à ressentir toutes ces sensations douloureuses : les mains qui deviennent moites, les battements du cœur qui s’accélèrent, la boule qui apparaît dans la gorge, le nœud qui se crée dans le ventre, le corps qui tremble, la peur qui monte, la terreur qui s’installe, l’envie de fuir qui vient et le sentiment d’impuissance qui monte… Vous êtes au sommet de votre peur et le praticien vous demande de rester dans ce moment et de détailler votre peur, de détailler ce qui s’est passé, de détailler ce que vous avez fait, ce que les autres personnes ont fait, d’expliquer encore et encore ce que vous avez ressenti à ce moment-là…. Il vous fait revivre les événements encore et encore. S’il vous laisse là, perdu dans cette terreur intense qui envahi tout votre corps et qui s’incruste encore plus profondément et plus intensément dans la mémoire de votre corps, il ne fait que vous traumatiser encore plus. Le praticien qui vous fait revivre vos traumatismes mais qui n’en fait rien, ne fait qu’incruster encore plus profondément ces moments traumatisants dans votre mémoire et dans vos entrailles.

Comment faire quelque chose de « constructif » avec ces souvenirs traumatisants.

Nous savons maintenant, que chaque fois que nous nous rappelons nos souvenirs, ils ne viennent pas tel quel à notre conscience. Ils ne sont pas stockés dans la mémoire comme un film sur casquette vidéo ou DVD. Ils ne reviennent donc pas à notre conscience de manière immuable, où chaque scènes seraient jouées exactement à l’identique, où les personnages du film auraient exactement les mêmes expressions faciales, les mêmes positions, où les décors seraient 100% identiques… Non, nos souvenirs se reconstruisent à chaque fois que l’on se les remémore. À chaque fois qu’on veut se souvenir d’une situation, notre esprit refait complètement le montage de la scène : il réassemble tous les éléments. Ainsi, chaque fois que nous nous remémorons une scène, elle n’est jamais exactement identique à la dernière fois où nous nous en sommes souvenu. Lorsque le souvenir d’une situation nous revient en mémoire, notre cerveau reprend chaque élément de la scène et les remets ensemble : il ressort de la mémoire visuelle, le décor (où s’est passé l’événement,…), à chaque éléments du décor, il associe une signification (c’était la nuit, c’est pour cela qu’il n’y avait personne pour m’entendre), à chaque pensée concernant le décor, il y associe une émotion, une croyance et une sensation (je n’aime pas la nuit, parce que la nuit il se passe toujours des trucs pénibles et j’ai l’impression que ça me fait me sentir mal). Le cerveau replace les protagonistes au milieu du décor (qui était où et faisait quoi au moment des événements traumatisants). Il attache des caractéristiques à chacun des protagonistes (un tel est comme-ci, l’autre comme ça, etc…). Il attache ensuite nos émotions et nos sentiments par rapport à chacun des protagonistes (il m’a toujours terrorisé, elle ne m’a jamais soutenue, je ne l’aime pas, je ne peux pas lui faire confiance, il me déteste, ….). Il y a encore énormément de détails que le cerveau va ajouter à la scène, au décor : les odeurs qui étaient présentes et qu’il va reprendre de la mémoire olfactive, les sons qu’il va reprendre de sa mémoire auditive, la température et les sensations physique qu’il va reprendre d’autres parties de sa mémoire,… Le cerveau va puiser dans toutes les mémoires qu’il a disposition (sa mémoire et la mémoire de l’organisme dans son entier, notamment la mémoire de tous nos sens) et va reconstruire la scène. Il ne va pas passer un film finit de la scène, mais il va refaire tout le montage du film.

Repasser toujours le même « film » et remonter les mêmes scènes du film dans le même ordre et quasi à l’identique et s’attendre à ce que la fin change et se transforme en happy end? Ce n’est pas possible, vous en conviendrez.

Les propos de Einstein sont très parlant : La folie, c’est de faire toujours la même chose et de s’attendre à un résultat différent. Dans le cas des souvenirs, la folie, ce serait de monter les scènes du film toujours dans le même ordre et à l’identique en espérant que ce souvenir ne nous fera plus souffrir.

Selon moi, c’est ce que font les thérapeutes qui vous demandent de leur parler de vos souvenirs passés, mais qui ne vous aident pas à remonter les éléments du film de telle sorte de changer la fin pour qu’elle ne vous fasse plus souffrir. Les réalisateurs qui ne sont pas contents de la tournure que prend leur film, modifient les scènes jusqu’à obtenir le montage qui leur convient.

Si nous ne voulons pas devenir fou, il nous faut éviter de revivre un souvenir traumatisant toujours de la même manière en espérant qu’un jour il ne nous fasse plus souffrir. C’est là que les praticiens qui ont les bonnes techniques peuvent vous apprendre à monter votre film différemment : à vous rappeler, à revivre et à reconstruire les souvenirs de vos traumatismes différemment, pour qu’ils ne vous fassent souffrir. De tels praticiens vous aideront à modifier la fin de votre film de sorte qu’il se termine en Happy End. Ils vous donneront les outils pour travailler chacune des scènes de sorte que les éléments extraits de la mémoire de votre corps s’agencent d’une manière à ne plus vous faire souffrir. Ces thérapeutes vous aideront à faire quelque chose de constructif avec vos souvenirs douloureux.

Passage à vide

Ce matin, petit passage à vide.

Depuis quelques semaines, je passe par des moments de découragement et de grosse fatigue. Je sais que je suis dans une phase de transition qui apportera de gros changements.

Cela fait près de 20 ans que je suis à l’AI (Assurance Invalidité) et dans quelques semaines, je vais sortir de ce système. Cela fait plusieurs années que je suis dans la démarche de sortir de ce système et maintenant que cela devient concret, je réalise que c’est un gros saut qui se prépare.

Enfin, je ne serai plus vue comme celle qui a une maladie mentale qui la rend incapable de s’insérer dans la société. Enfin, « le système » reconnaît que je ne suis pas anormale, que je dispose de toutes les capacités mentales pour vivre une « vie normale ».

Cependant, il est clair que ce soutien financier, cette rente d’invalidité, j’en ai eu besoin pour vivre lorsque les médicaments psychiatriques faisaient partie de ma vie. Ces produits et les mauvais traitements psychiatriques que m’ont administrés les médecins m’avaient rendue bien incapable de fonctionner au quotidien et de subvenir à mes besoins les plus basiques. La décérébration que j’ai subie pendant ces années de mauvais traitements psychiatriques m’avait rendue incapable de penser, avait changé ma personnalité et m’avait énormément affaiblie physiquement. Travailler dans cet état, c’était impossible. Je remercie donc l’état et l’assurance invalidité d’avoir subvenu à mes besoins pendant cette période noire de ma vie. Je remercie également chaleureusement mon conseiller AI d’avoir pris le temps de comprendre qui « se cachait » derrière ces effrayants diagnostiques psychiatriques et d’avoir su être à l’écoute au moment où j’ai repris ma liberté face à la psychiatrie: dans ce moment où je me reconstruisais et je créais mon avenir. 

Cher monsieur M., même si les médecins de l’AI ont court-circuité votre évaluation des conditions qui me permettraient de sortir de l’AI en douceur, vous avez su être là et à l’écoute de mes besoins en matière de reconstruction professionnelle. Même si cette sortie de l’AI arrive très brutalement par rapport à ce que vous et moi avions imaginée, elle arrive à un moment de ma vie où je suis capable d’encaisser les changements brutaux.

Depuis plusieurs années maintenant, je me prépare à reprendre une activité professionnelle. Ou plutôt devrais-je dire, à commencer une activité professionnelle, puisque ayant été plongée dans le monde psychiatriques et mise à l’assurance invalidité à l’adolescence, je n’ai jamais vraiment été en mesure de travailler. Bien sûr, j’ai fait quelques tentatives désespérées pour travailler, mais avec la chape de plomb médicamenteuses qui me décérébrait et affaiblissait mon corps, j’ai bien été incapable de garder un travail plus que quelques semaines.

Au jour d’aujourd’hui, 10 ans après avoir arrêté les médicaments psychiatriques (neuroleptiques, benzodiazépines et antidépresseurs), et après avoir passer plusieurs années à me battre contre les dégâts occasionnés par ces produits et avoir récupérer seule, et avec beaucoup d’efforts quotidiens, je suis physiquement, psychologiquement, cognitivement et émotionnellement prête à reprendre ma vie professionnelle là où la psychiatrie me l’avais brisée il y a maintenant plus de 23 ans.

Mais ce passage dans l’enfer de la psychiatrie et surtout ma reconstruction après m’en être extirpée m’ont permis d’acquérir des ressources insoupçonnables qui me rendent maintenant capable de faire face aux plus gros défis de la vie. Ce passage entre les mains de la puissante psychiatrie et de ses alliées très influentes et omniprésentes, les firmes pharmaceutiques, m’a également donné une direction vers laquelle orienter ma carrière professionnelle. Pour sortir de la psychiatrie et des médicaments psychiatriques, j’ai passé des années à me documenter sur leurs fonctionnements, ce qui m’a permis d’acquérir une connaissance hors norme de ce milieu et des produits qu’il utilise. Cette connaissance, j’ai, depuis ma sortie de la médication psychiatrique, décidé de la partager et de la mettre à disposition des utilisateurs de ces produits, des personnes qui sont confrontés de près ou de loin à la psychiatrie et finalement, à la terre entière.

Toutefois, je ne vais pas limiter mon activité professionnelle à la diffusion de l’information concernant le fonctionnement de la psychiatrie et des médicaments psychiatriques que sont les somnifères, les anxiolytiques, les antidépresseurs, les antipsychotiques, les stimulants ou encore les régulateurs de l’humeur. Non, je ne vais pas me limiter à ça, puisque cela ne constitue qu’une infime partie de la sortie de l’ère psychiatrique et pharmaceutique. En effet, une fois que j’ai arrêté les médicaments et les visites en psychiatrie, il m’a fallu reconstruire entièrement ma vie.

J’a dû reconstruire ma vie personnelle, ma vie familiale, ma vie sociale et maintenant ma vie professionnelle, car avec à cause des mauvaises traitements physiques, psychologiques et chimiques infligés par les psychiatres, j’avais tout perdu.

J’ai recommencé par me reconstruire physiquement, puis cognitivement et émotionnellement. Cela m’a pris plusieurs années pour retrouver mes capacités physiques, ma santé, ma vitalité, mes aptitudes à la réflexion, ma capacité de jugement et mes capacités mnésiques. A noter qu’aujourd’hui, même avec tous les efforts quotidiens réalisés pour récupérer mes fonctions mémorielles (se rappeler des souvenirs de cette époque ou utiliser ma mémoire de travail), je n’ai pas été en mesure de les récupérer à 100%. Même si je dispose aujourd’hui d’une très bonne mémoire, elle n’est pas celle que j’avais avant les médicaments psychiatriques.

Ma reconstruction émotionnelle est passée par l’acquisition et la mise en pratique d’outils utilisés en Thérapie Cognitive et Comportementale. Ces outils ne m’ont jamais été proposés pendant les années passées en psychiatrie. Ces outils, je les ai découverts au cours de mes recherches pour réapprendre à fonctionner. J’ai appris à les mettre en pratique seule, car les psychothérapeutes ou les psychologues que je consultais à l’époque se figeaient sur mon passé psychiatrique et sur les symptômes de sevrage terrifiants qui se maintenant encore des années après l’arrêt complet des médicaments psychiatriques. Ces symptômes étaient notamment une anxiété généralisée accompagnée d’une agoraphobie avec attaques de panique qui me maintenait cloîtrée chez moi: le moindre pas en dehors de ma maison me déclenchaient de terribles attaques de panique. Avec le recul, je réalise que j’étais dans un état de stress post-traumatique après les atrocités que j’avais vécu en psychiatrie.

Ainsi, les séquelles qu’avaient laissé les années d’enfer passées sous le joug de la psychiatrie, m’empêchaient également de trouver du soutien auprès de thérapeutes, trop impressionnés ou déroutés qu’ils étaient par les terribles séquelles que je manifestais à l’arrêt des médicaments psychiatriques et à la sortie du monde de la psychiatrie.

C’est donc seule, que j’ai recherché et mis en pratique ces outils pour gérer mes angoisses et reprendre le contrôle de mon état de stress post-traumatique. ça a été et c’est toujours un travail de grande haleine. Quotidiennement, je prends le temps de travailler ces outils, de les perfectionner et de les faire évoluer avec mes besoins du moment.

Tout ce parcours pour me reconstruire émotionnellement, psychiquement et physiquement, toute cette « physiothérapie psychique et émotionnelle » et cette réhabilitation physique, comportementale, cognitive et sociale qu’aucun thérapeute n’a été en mesure de me fournir à cause, certainement, de l’état préoccupant dans lequel m’ont laissé ces années de psychiatrie… toute cette « thérapie », toute cette reconstruction de soi, tout ce retour à la vie, je souhaite maintenant l’offrir à tous ceux qui sortent, meurtris, de la psychiatrie.

© Carole Advices 9 avril 2019

Pour aller plus loin:

Vidéos « Se reconstruire après l’arrêt de la médication psychiatrique »

Pourquoi plusieurs mois après l’arrêt des médicaments mes symptômes sont-ils toujours si intenses?

Pourquoi est-ce que des mois après l’arrêt des médicaments, mes symptômes sont-ils toujours si intenses? Je fais beaucoup d’efforts pour vaincre mes crises d’angoisses et mes attaques de panique, mais ces symptômes persistent? Cela me remplit de haine…

Jusqu’à maintenant, il me semble que ta colère, ta haine et ta peur t’empêchaient d’utiliser les magnifiques capacités que tu as en toi. Tu avais tellement de colère en toi, que tu étais comme aveuglé et paralysé, ce qui t’empêchait d’avancer.

Il me semble qu’aujourd’hui, tu as franchi un cap: tu as accepté de laisser un peu ta colère de côté et d’utiliser ton énergie pour avancer. Lorsqu’on te lit, on sent que tu essaies de canaliser ton énergie pour qu’elle te serve pour avancer et non plus pour qu’elle sorte en colère et en haine contre tout ce qui t’entoure…

Je suis passée par cette étape cruciale où on comprend qu’on ne peut plus haïr tout le monde pour ce qui nous arrive et qu’il serait mieux de d’utiliser cette violente haine qui nous prend pour construire quelque chose plutôt que pour détruire les seules choses qui nous restent.

Comme tu sembles aimer savoir comment j’étais après 2 ans de post-sevrage, je vais utiliser mon vécu pour t’expliquer comment j’ai avancé: comment j’ai transformé ma haine en force de vie …

J’ai terminé mon dernier sevrage de manière brutale en été 2008, mais en 2010, je faisais face à une grande vague de symptômes d’angoisse atroces. Ces symptômes étaient tellement intenses, que j’ai cru que quelque chose était foutu en moi et que ce quelque chose, je ne pourrai jamais le réparer. Comme je l’ai déjà expliqué, je subissais plusieurs attaques de panique par jour (et même la nuit). J’étais incapable de franchir le seuil de ma porte sans être victime de vertige, sans avoir le coeur qui bat à 100 à l’heure, sans avoir la nausée et sans avoir la diarrhée… Bref, je me sentais mourir plusieurs fois par jour, comme si un disjoncteur pétait et que mon cerveau et mon corps se mettaient à dérailler…
Bien plus tard, lorsque j’ai à nouveau été capable de lire, d’apprendre et de comprendre les choses, j’ai appris que c’était simplement le circuit de la peur qui s’était mis en boucle et qui marchait à fond la caisse. Lorsqu’on a trop peur (sentiment), notre organisme ne descend plus son système d’alerte, il est en alerte rouge 24h sur 24. Et quelles sont les conséquences de cet état d’alerte qui se maintient pendant des jours et des jours, puis pendant des mois et des mois, eh bien, ce sont des symptômes comme:
– des vertiges (à cause des décharges d’hormones de stress),
– des essoufflements (le système respiratoire fonctionne à plein pratiquement en continu pour être sûr que les muscles de l’organisme soient bien oxygénés et ainsi prêts à faire face à la menace), cette suroxygénation provoque elle aussi des vertiges
– une fréquence cardiaque haute (pour que l’organisme soit prêt à agir contre la menace, le coeur pompe fort pour envoyer du sang oxygéné (et plein d’hormones du stress (adrénaline, cortisol, épinephrine, …) à tous les organes
– augmentation de la température corporelle (avec toute cette activité (sanguine, respiratoire, hormonale, ….) le corps se réchauffe)
– dépersonnalisation et déréalisation (à cause de tous ces changements physiologiques qui modifient nos sensations corporelles et nos perceptions en vue de nous préparer à un « combat à mort »). Ces deux symptômes se produisent plus particulièrement lorsque nos systèmes sont au maximum)

Comme l’organisme est en état d’alerte quasi permanente, qu’il fait fonctionner tous ses organes et ses systèmes à haut régime, rien d’étonnant à ce qu’il ne lui reste plus beaucoup d’énergie pour faire une activité comme marcher 100 mètres ou décharger du bois …

Par ailleurs, la colère est un des moyens qu’utilise l’organisme pour décharger ce surplus d’énergie stocké pendant l’état d’alerte. En effet, lorsque tu demandes à des personnes de se mettre en état d’alerte pendant des semaines et de semaines, mais qu’il ne se passe aucun événement sur lequel elles pourraient agir, alors, elles commencent à être nerveuses et à « décharger leurs nerfs » sur les personnes qui les entourent. Je ne sais pas si tu as déjà vu des films où tout un équipage est en état d’alerte maximal parce qu’ils savent qu’un menace plane sur eux et qu’ils doivent se tenir prêts! Si pendant plusieurs jours, ils ne voient pas l’ennemi, alors ils commencent tous à péter les plombs et à se battrent entre eux ou à faire des choses stupides. Pourquoi font-ils ça? Parce qu’ils ont besoin d’agir, de faire quelque chose. Ils sont remontés à bloc, leurs organismes sont remontés à bloc, par l’état d’alerte et il arrive un moment où, ils ont besoin de décharger cette énergie et d’agir pour faire disparaître cette menace.
Normalement, notre organisme est fait pour se mettre en état d’alerte face à un danger réel (ours, ouragan, canon d’un fusil pointer sur nous, etc…). Notre corps se met en état d’alerte de sorte que tous nos systèmes et nos organes puissent agir pour mettre la menace hors d’état de nous nuire. Face à un animal féroce qui nous attaque, nos muscles reçoivent plein d’oxygène et se gorgent de sang pour nous permettre de nous battre ou de fuir. Nos organes, dont notre cerveau, reçoivent une décharge d’adrénaline pour que nous ne sentions pas la douleur si nous sommes blessé lors du combat ou pour que nous ne ressentions pas la fatigue (musculaire et autres) si nous courrons comme des dératés pour fuir la menace…

Comment ce système fonctionne-t-il pour nous qui sommes en mode ultravigilance après l’arrêt des médicaments psychiatriques?

Eh bien, revenons d’abord un peu en arrière. Lorsqu’on prenait des médicaments psychiatriques qui jouaient sur ce fameux circuit de la peur (Menace => organisme se met en état d’alerte => il se prépare à l’action => il agit pour sauver sa peau), ces produits empêchaient notre organisme de se mettre en état d’alerte. Le problème, c’est que ces produits ne faisaient pas disparaître la menace.
Par conséquent, comme la menace était toujours présente, le cerveau la repérait et faisait tout pour essayer de mettre en marche l’état d’alerte de l’organisme. Et nous que faisions nous lorsqu’on commençait à sentir les signes physiologiques de la peur (=l’état d’alerte), on reprenait un cachet pour faire taire cet état d’alerte.

Que ce passe-t-il une fois qu’on stoppe la médication psychiatrique qui contient l’état d’alerte?

Eh bien, tout notre équipage qui était à fond en état d’alerte au fond de la cave de notre cerveau et qui ne pouvait pas agir (car réprimé par les médicaments) se met au branle bas de combat et active tous les systèmes d’alerte. Le problème, c’est que l’équipage se pensent en temps de guerre. C’est comme s’il avait vécu 10 ans de guerre, mais au fond de son sous-marin. Il sait qu’il est en guerre, parce qu’il y a 10 ans en arrière quand on l’a envoyer se battre, il y avait la guerre (une menace planait sur lui et sur son pays). Mais comme ses écrans radars ont été brouillés pendant 10 ans par les médicaments, lorsqu’il refait enfin surface (lorsqu’on enlève les médicaments), il est en état d’alerte maximum depuis des années et il veut en finir avec cette menace qui lui tue les nerfs depuis 10 ans. Le problème est que le sous-marin fait surface dans une mer calme et plusieurs années après que la guerre se soit terminée. Il n’y a donc plus d’ennemi à combattre. Le problème est que l’équipage n’en a pas conscience et qu’il se refuse à baisser l’état d’alerte de peur de se faire prendre en embuscade par cet ennemi invisible….

Lorsque nous sortons de la médication et plus particulièrement lorsque nous faisons surface rapidement (sevrage rapide, brutal), nous sommes comme le sous-marin qui fait surface et qui est en état d’alerte maximal. Tout notre organisme est en état d’alerte de peur de rencontrer cet ennemi invisible contre lequel il n’a pas pu agir (pas pu se défendre) depuis des années.

Que faut-il faire pour faire comprendre à l’équipage qu’il peut baisser l’état d’alerte?

Comme cela fait 10 ans que ces systèmes fonctionnent à plein régime, il est important d’en contrôler l’état (visite chez le médecin pour contrôler le fonctionnement de tous les organes ;)) et d’ensuite de les aider à faire descendre leur régime. De plus, il est important de faire comprendre à notre équipage qu’on n’est plus en état de guerre et que la menace a été neutralisée.

Comment faire baisser le niveau d’alerte?

En agissant sur le système de la peur (système qui lance l’état d’alerte), en brisant le cercle vicieux:

Système de la peur qui fonctionne normalement:
Menace => état d’alerte => Combat ou fuite => disparition de la Menace

Système de la peur qui fonctionne en cercle vicieux:
Menace => état d’alerte => les manifestations de l’état d’alerte (essoufflements, vertiges, nausées, fréquence cardiaque élevée, dépersonnalisation et/ou déréalisation, …) qui sont perçues comme des menaces => augmentation du niveau de l’état d’alerte => ….

Lorsque le système de la peur part dans un cercle vicieux (ce qui arrive très souvent lorsqu’on arrête les médicaments psychiatriques qui le bâillonnaient depuis des années), alors la menace n’est plus seulement perçue comme externe (un ours, un ouragan, une situation professionnelle stressante, une séparation, un décès, un déménagement, n’importe quel changement stressant, n’importe quelle situation stressante), mais la menace est aussi perçue comme interne: les manifestations de l’état d’alerte de l’organisme sont perçues comme des menaces (essoufflements, sueurs, fréquence cardiaque qui augmente, bouffée de chaleur, nausées, vertiges, déréalisation, dépersonnalisation, etc…). Ainsi, les manifestations de cet état d’alerte qui devrait nous permettre de faire face à la menace externe, deviennent, à nos yeux, la menace…

On a peur de notre état d’alerte, alors que celui-ci est un état sain qui nous permet de faire face au danger. En ayant peur de notre état d’alerte, on augmente encore notre état de vigilance et nos systèmes se mettent à tourner à fond jusqu’à monter à l’état d’alerte maximal, c’est l’attaque de panique suivie de l’anxiété généralisée. L’attaque de panique vous signale que vos systèmes de défense sont à fond: ils sont prêts à défoncer la gueule de l’ours qui vous attaque ou à fuir à une vitesse inhumaine l’ouragan qui arrive sur vous. Mais, comme rien de tel ne se passe (qu’il n’y a pas de réelle menace vitale), votre corps ne peut pas décharger, sur une menace, toute cette énergie emmagasinée. Alors, cette énergie se décharge comme elle peut: colère, rage, pleurs, etc… Bien évidemment, comme après un combat réel contre un ours, on est épuisé, lessivé, vermoulus de crampes musculaires, vidé intérieurement, … La différence, c’est que ce n’est pas une vraie menace (ours, fusil, …) qui a déclenché notre état d’alerte, mais c’est notre propre peur des manifestations de l’état de l’alerte (fréquence cardiaque qui augmente, etc…) et qu’on n’a pas pu utiliser cet état d’alerte pour combattre la menace, puisque la menace (pour nous), c’est notre état d’alerte.

Je pense que tu commences à entrevoir où il va falloir intervenir pour briser le cercle vicieux.

Comment briser le cercle vicieux?

Il est possible de travailler à plusieurs niveaux pour briser le cercle vicieux:

1. Au niveau de la « menace ». Lorsque votre sous-marin refait surface, la menace originelle, celle qui a la plupart du temps été à l’origine de la prescription du médicament psychiatrique est soit depuis longtemps passée, soit est toujours présente et non gérée. Dans le premier cas, il va falloir informer votre équipage que la menace n’est plus là. Dans le deuxième cas, il va falloir mettre en place des moyens pour gérer cette menace et cette fois, il ne faudra pas choisir la médication psychotrope.

2. Au niveau des manifestations de l’état d’alerte = les symptômes. Pour pouvoir faire baisser l’intensité de vos symptômes et pour pouvoir les faire disparaître, il va falloir travailler sur les causes de ces symptômes:

  • Travailler sur le déclencheur: La cause originelle, la première cause, nous l’avons vu, est la présence d’un élément que votre organisme identifie comme une menace pour sa survie ou son intégrité. C’est cette identification par votre organisme d’un élément comme étant une menace qui va déclencher le circuit de la peur. La première chose à faire est donc de travailler à éliminer ce déclencheur (si vous pouvez le faire). En effet, la personne dont le déclencheur est un environnement de travail toxique pourra par exemple changer de travail ou parler avec son supérieur des problèmes qu’elle rencontre. En modifiant ses conditions de travail, la personne pourra certainement désamorcer le déclencheur et/ou le supprimer. Par contre, si le déclencheur de la personne est le décès de l’un de ses proches, alors il sera difficile pour elle de supprimer ce déclencheur. Ici, elle devra plutôt chercher du soutien et apprendre comment faire son deuil (c’est un vrai processus qui s’apprend).
  • Travailler sur les facteurs de maintien (=travailler sur les facteurs qui maintiennent l’état d’alerte). Quels sont-ils?
    1. les facteurs physiologiques
    2. les facteurs cognitifs (pensée, croyances, la mémoire, l’attention,…)
    3. les facteurs environnementaux

Courage, continue à avancer comme tu le fais. Même si tu ne vois pas de résultat pour le moment, continue à te battre, car sur le long terme, ça va payer!
Reprendre le contrôle de sa physiologie prend du temps, car il faut répéter et répéter encore les mêmes actions et les mêmes pensées jusqu’à ce que l’organisme les réintègre. C’est un marathon de longue durée…

Tu sais ce qu’est un entraînement de foot et tu sais que lorsqu’on débute, qu’on est novice, on est loin de maîtriser le ballon et c’est plutôt lui qui nous mène par le bout du nez. Lorsque tu as débuté le foot, tu n’arrivais certainement pas à faire des passes parfaites, des shoots magnifiques et des dribbles idéaux. Il t’a fallu répéter encore et encore tous ces gestes pour qu’au bout de plusieurs années ils deviennent faciles et « normaux » à réaliser.

Pour réapprendre à faire fonctionner sa physiologie, c’est pareil: on débute tout en bas de l’échelle et on répète les mouvements inlassablement jusqu’à ce qu’on les maîtrise. La grosse difficulté ici, c’est de ne pas baisser les bras parce qu’on doit tout réapprendre des mouvements qu’on maîtrisait facilement et sans effort il y a encore quelques années. Je sais que c’est dur de repartir à zéro et de devoir presque tout réapprendre comme un jeune enfant. C’est frustrant et énervant et c’est certainement pour cela que nombreux sont ceux qui baissent les bras avant même d’avoir commencé leur rééducation physiologique.
Et oui, il s’agit bien de cela: d’une rééducation complète des fonctions physiologiques et cognitives: on repart à zéro et c’est très frustrant et perturbant. Nous sommes comme la personne qui a eu un terrible accident et qui a eu les deux jambes polyfracturées et qui va passer des mois et des mois en rééducation pour retrouver l’usage de ses jambes.
Pour elle qui savait marcher et courir et qui utilisait ses jambes sans y penser, elle va devoir s’armer de patience, car elle va devoir commencer par répéter quotidiennement des exercices frustrants, comme bouger les orteils, tout en sachant que ce n’est pas le fait de pouvoir bouger ses orteils qui va lui permettre de marcher comme avant.
Si elle se décourage à cette première étape parce qu’elle n’obtient pas le résultat qu’elle voulait et qu’elle se dit qu’elle est foutue, que ses jambes sont flinguées et qu’elle ne retrouvera jamais ses capacités physiques d’avant, alors oui, il est clair qu’il y peu de chances qu’elle parviennent à remarcher. Par contre, si elle voit en chaque mini-avancée une victoire et qu’elle s’investit corps et âme, et sans douter, dans chaque étape de sa rééducation en faisant ses exercices à fond, alors elle se donne toutes les chances de parvenir à retrouver ce que son accident lui a volé: sa capacité à marcher et à courir!!

Courage, ne lâche rien, ça va payer!