3. Trouver sa dose de confort et s’y stabiliser quelques jours

Pour la première molécule à sevrer, trouver sa dose de confort et s’y stabiliser.

Lors de cette étape, on évalue si on est en sous-dosage (voir plus bas), et on prend le temps d’ajuster la dose journalière prise en vue de trouver sa dose de confort avant de commencer le sevrage à proprement parlé. En effet, commencer les diminutions alors que l’organisme est en état de manque et le manifeste par des symptômes de sevrage intenses et handicapants ne permet pas de réaliser un sevrage dans de bonnes conditions. En effet, si vous êtes déjà en état de manque et que vous diminuez encore la quantité de médicament prise, alors les symptômes de sevrage se feront encore plus intenses. Cependant si, avant d’entamer le sevrage, vous remontez un peu votre dosage à la dernière dose où vous vous sentiez “bien”, alors vous pourrez commencer un sevrage dans de bonnes conditions. Il est nécessaire de retrouver une dose de confort avec laquelle vous vous sentiez bien et de vous y stabiliser : cela peut prendre selon les cas entre 1 à 3 semaines. Ensuite, en appliquant le protocole de sevrage recommandé pour la molécule en question, vous arriverez à réduire la dose journalière de manière à ce que l’organisme ait le temps d’adapter son fonctionnement à la diminution sans manifester des symptômes de manque intenses et invalidants.

Par ailleurs, il est à noter que l’utilisation de la technique de substitution permet souvent de lever le phénomène de tolérance.

Comment savoir si on est sous-dosage?

Pour savoir si vous êtes en sous-dosage, c’est-à-dire que vous êtes entré en tolérance, essayez d’augmenter légèrement la quantité de médicament prise en revenant, par exemple, à la dernière dose journalière où vous vous sentiez “bien”. Si vous observez une diminution des symptômes de manque, alors c’est que vous êtes en sous-dosage et qu’il vaudrait mieux commencer votre sevrage à partir de la dose où vous vous sentiez “bien” (= votre dose de confort) et où les symptômes étaient peu intenses ou peu présents.

Mais attention, si au contraire, en augmentant légèrement votre dose journalière vous vous sentez encore plus mal parce que les symptômes sont encore plus nombreux et plus intenses, alors là, cela veut dire que la substance a un effet principalement toxique sur votre organisme et qu’il faudra adapter le sevrage en conséquence (il faudra envisager de faire un sevrage rapide sous surveillance médicale accrue).

Voir: Comment faire la différence entre les symptômes de sevrage (syndrome de sevrage) et la toxicité médicamenteuse (neurotoxicité / intoxication médicamenteuse)?

 

4. Déterminer la méthode qui permettra de sevrer la molécule

 


Le plan de sevrage en pratique

Un exemple de plan de sevrage pour 2 médicaments : Xanax et Deroxat

Trouver ma dose de confort

Sevrage 1 : Deroxat

Avec la Deroxat, il n’y a pas eu une dose journalière qui était confortable. Par conséquent démarrage du sevrage à la dose actuelle.

Comme idées suicidaires, le sevrage devra être suivi par un professionnel compétent en matière de sevrage et formé aux risques liés aux antidépresseurs ISRS.

Trouver ma dose de confort

Sevrage 2 : Xanax

Si je me sens bien avec la dose journalière actuelle, je peux commencer le processus de sevrage à partir de cette dose.

Par contre, si je souffre de symptômes pénibles, il me faudra déterminer s’il s’agit :

  • De symptômes dus au sevrage de l’antidépresseur (Deroxat). Dans ce cas, attendre encore quelques jours/semaines que leur intensité diminue et me permette de commencer le 2ème sevrage dans de bonnes conditions
  • De symptômes de manque, parce que je suis en sous-dosage de Xanax. Pour vérifier s’il y a sous-dosage, je peux augmenter légèrement la dose journalière et si les symptômes s’estompent c’est que je suis effectivement en sous-dosage et qu’il faudra que j’augmente légèrement la dose (par exemple à la dernière dose où je me sentais « bien ») pour arriver à ma dose de confort à laquelle je me stabiliserai quelques jours avant de commencer le processus de sevrage à proprement parler
  • De symptômes d’intoxication au Xanax. Si lorsque j’augmente légèrement la dose, l’intensité des symptômes augmente et que je me sens encore plus mal, alors cela veut dire qu’il y a toxicité. Il me faut alors immédiatement consulter un spécialiste du sevrage et envisager un sevrage plus rapide.

Voir: Comment faire la différence entre les symptômes de sevrage (syndrome de sevrage) et la toxicité médicamenteuse (neurotoxicité / intoxication médicamenteuse)?

 

4. Déterminer la méthode qui permettra de sevrer la molécule

 

Qu’est-ce que la demi-vie d’une molécule?

La demi-vie est le temps nécessaire à l’organisme pour diminuer de moitié la quantité totale de molécule ingérée et ce quelle que soit la quantité prise.

La demi-vie d’un médicament est donc la vitesse à laquelle l’organisme élimine les substances actives d’un médicament de la circulation sanguine.

Demi-vie courte

On parle d’un médicament (ou d’une molécule) à demi-vie courte, lorsque l’organisme met moins de 24 heures pour éliminer ses substances actives de la concentration sanguine.

Dans les demi-vies courtes, il y a:

  • les demi-vies courtes qui mettent moins de 5 heures pour être éliminées
  • les demi-vies moyennes qui mettent entre 5 et 24 heures pour être éliminées

Demi-vie longue

On parle d’un médicament (ou d’une molécule) à demi-vie longue, lorsque l’organisme met plus de 24 heures pour éliminer ses substances actives de la concentration sanguine.

Attention à ne pas confondre la demi-vie d’un médicament avec son effet. La demi-vie est le temps que met l’organisme pour évacuer le produit, alors que l’effet est ce qui est induit par les propriétés de la substance active du médicament. Par conséquent, une demi-vie de 24 heures ne veut pas dire que le médicament fera effet 24 heures.

Un exemple d’effet: un médicament peut être pris pour sa propriété hypnotique qui a pour effet de faire dormir. Mais si ce médicament a une demi-vie de 24 heures, ça ne veut pas dire qu’il fera dormir 24 heures. Cela veut simplement dire qu’il faudra 24 heures à l’organisme pour l’éliminer. En réalité, la durée de l’effet d’un médicament est généralement bien moins longue que le temps qu’il faut à l’organisme pour l’éliminer de la concentration sanguine.

La règle des 5 demi-vies: l’explication du Dr Phelps (2005)

La plupart des antidépresseurs, comme la plupart des médicaments ont des demi-vies courtes. Il s’agit du terme officiel pour rendre compte de la vitesse à laquelle un médicament quitte la circulation sanguine après que vous ayez arrêté d’en prendre (= arrêter de prendre les doses suivantes). Le temps qu’il faut pour que la quantité de molécule dans votre sang (=le taux sanguin) diminue de moitié est « UNE demi-vie ». par exemple, prenons une molécule (= un médicament) ayant une demi-vie de 24 heures (il s’agit d’une demi-vie plutôt longue, beaucoup de molécules ont des demi-vies un peu plus courtes, proches de 10 heures). Si vous prenez votre dernière dose lundi matin, mardi matin, le taux sanguin est maintenant de la moitié de ce qu’il était le jour précédent (à savoir: mesuré chaque jour à la même heure (à midi dans notre exemple)). Et maintenant, soyez attentif, car le point important se trouve ici: chaque jour qui suit, le taux sanguin de la molécule diminue de la moitié de ce qu’il était le jour précédent. Ainsi, dans cet exemple, mercredi à midi, vous avez perdu la moitié du taux sanguin du mardi à midi. Notez, que vous êtes maintenant à 1/8ème de ce que vous étiez lorsque vous avez commencé. Continuez sur cette logique et vous verrez que jeudi à midi, vous serez à 1/16 de la dose de départ, vendredi vous serez à 1/32ème et ainsi de suite.

Généralement, nous parlons de 5 demi-vies et à ce taux, il restera si peu de médicament dans la circulation sanguine, que nous l’appellerons le taux zéro. Pourquoi tout ce tapage autour des demi-vies? Parce que cela nous mène vers une solution aux problèmes de sevrage liés au Prozac (fluoxétine): le Prozac a une demi-vie d’une semaine! Il est évacué très lentement de la circulation sanguine, si lentement, qu’il faut une semaine pour en éliminer la moitié (=pour s’en débarrasser de la moitié)! Ensuite, en utilisant la règle des Cinq Demi-vies, nous pouvons comprendre qu’il faudra plus d’un mois au Prozac pour quitter lentement la circulation sanguine (il lui faudra 5 semaines pour atteindre un taux sanguin de 1/64ème de la dose initiale).

Comme vous l’aurez certainement compris, c’est aussi à travers le concept de demi-vie et de la règle des Cinq Demi-vies que nous trouvons des solutions aux problèmes de sevrage des autres médicaments psychotropes, notamment les benzodiazépines.

 

La règles des 5 demi-vies

Nombre de demi-vie

Concentration sanguine

Pourcentage de médicament éliminé de la circulation sanguine

Dose de départ 1  ~ 0
Une demi-vie ½ de la dose de départ 50%
Deux demi-vies ¼ de la dose de départ 75%
Trois demi-vies 1/8 de la dose de départ 87.5%
Quatre demi-vies 1/16 de la dose de départ 93.75%
Cinq demi-vies 1/32 de la dose de départ 96.875%

Après 5 demi-vies, on considère que la quasi totalité du médicament a été éliminée de la concentration sanguine, puisque près de 97% de la dose a été éliminée.

Attention, cela est vrai si aucune dose n’a été prise après de la dose de départ (celle à partir de laquelle nous avons calculer les demi-vies d’élimination).

Par ailleurs, il ne faut pas oublier que la durée de la demi-vie d’un médicament peut être différente d’une personne à l’autre (à cause des différences individuelles et métaboliques).

1. S’informer sur les médicaments psychotropes actuellement pris

Déterminer quelle est la molécule active du médicament et déterminer à quelle classe de substances psychoactives elle appartient. Trouver la durée de la demi-vie de la molécule active. Déterminer quels sont les effets secondaires et indésirables de ce produit, étant donné qu’il est fort probable que les symptômes de sevrage seront similaires.

Comment trouver le nom de la molécule active d’un médicament ?

Le nom de la molécule active peut se trouver :

  • Sur la notice du médicament
  • Dans le Vidal français des médicaments : www.vidal.fr dans le champ de recherche, tapez le nom du médicament. S’ouvrira alors une fenêtre contenant la liste des diverses formes du produit, avec le nom de la molécule active qui s’affichera sous le nom commercial du médicament. Pour une information plus détaillée du produit, cliquez sur le nom du médicament et dans le menu de gauche choisissez l’information que vous désirez connaître. Par exemple, vous pouvez cliquer sur Pharmacocinétique pour connaître la demi-vie de la molécule active.
  • Dans le Compendium suisse des médicaments : http://compendium.ch/home/fr dans le champ recherche, tapez le nom du médicament. S’ouvrira alors une fenêtre contenant la liste des diverses formes galéniques que peut prendre le produit et le nom de la molécule active s’affichera juste en dessous du nom commercial du médicament. Pour une information plus détaillée du produit, cliquez sur le nom du médicament, puis cliquez sur Information professionnelle qui se trouve à droite dans la bande horizontale grise. Pour connaître la demi-vie de la molécule active du médicament, cliquez sur Pharmacocinétique.
  • Sur Internet, en tapant dans le champ de recherche les mots clés : « le nom du médicament » et « molécule active »

Comment trouver la demi-vie d’une molécule active (d’un médicament) ?

La durée de la demi-vie peut se trouver :

  • Dans le Vidal français des médicaments : www.vidal.fr dans le champ de recherche, tapez le nom du médicament, puis cliquez sur le nom commercial du médicament. Puis dans le menu de gauche, cliquez sur Pharmacocinétique.
  • Dans le Compendium suisse des médicaments http://compendium.ch/home/fr en tapant dans le champ de recherche « le nom du médicament », puis dans la fenêtre qui s’ouvre en cliquant sur le nom du produit. Ensuite cliquez sur Information professionnelle, puis sur Pharmacocinétique.
  • Sur Internet, en tapant dans le champ de recherche les mots clés : « le nom du médicament » ou « le nom de la molécule active » et « demi-vie ».

Retrouvez les fiches informatives de Jomax : http://soutienbenzo.forumgratuit.org/t2129-benzodiazepines-carateristiques-palier-demi-vie-etc

 

2. Déterminer l’ordre des molécules à sevrer si plusieurs médicaments psychotropes sont pris

 


Le plan de sevrage en pratique

Exemple de plan de sevrage pour 2 médicaments : Xanax et Deroxat

S’informer

Informations de base

Xanax: Le premier médicament qui m’a été prescrit s’appelle du Xanax. La molécule active du Xanax, c’est l’alprazolam. L’alprazolam est substance de la classe des benzodiazépines.

L’alprazolam est une molécule à demi-vie courte.

Il s’agit de comprimés de 0.25 mg.

Deroxat: Le deuxième médicament qui m’a été prescrit s’appelle du Deroxat. La molécule active du Deroxat, c’est la paroxétine.

La paroxétine est une substance de la classe des antidépresseurs inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (antidépresseur ISRS).

La paroxétine est une molécule à demi-vie de 24 heures.

Il s’agit de comprimés enrobés (sécables) à 20 mg.

 

2. Déterminer l’ordre des molécules à sevrer si plusieurs médicaments psychotropes sont pris

 

Qu’est-ce qu’un plan de sevrage?

Un plan de sevrage est un plan d’action qui définit la stratégie qui va être mise en place pour arriver au résultat souhaité (arrêt de la médication psychotrope ou diminution de la quantité de substances psychoactives prise, par exemples).

Établir un plan de sevrage permet d’organiser et de coordonner les actions que vont être entreprises pour atteindre cet objectif.

Un plan de sevrage va définir

  • Le(s) médicament(s) qui vont être sevrés ou dont la quantité prise va être diminuée
  • L’ordre dans lequel les substances vont être sevrées
  • Les méthodes, protocoles et techniques de sevrage qui vont être utilisés
  • Comment ces méthodes, protocoles et techniques vont être utilisés

Comment établir un plan de sevrage?

Pour mettre en place un plan de sevrage qui permette d’organiser et de coordonner les actions qui vont être entreprises lors des différentes étapes du sevrage, il est important de pouvoir répondre aux questions suivantes, cela va permettre de définir le plan d’action à adopter.

Questions relatives au(x) produit(s) psychotropes à sevrer

  • Combien j’ai de substances psychoactives à sevrer?
  • Est-ce que je souhaite arrêter de prendre tous ces produits ou est-ce que je ne souhaite sevrer qu’un produit? Ou encore, est-que je souhaite uniquement diminuer la quantité prise?
  • De quelle(s) classe(s) de molécule s’agit-il? S’agit-il d’une molécule de la classe des benzodiazépines, des antidépresseurs, des neuroleptiques, des régulateurs d’humeurs, des stimulants?
  • Est-ce qu’il convient de sevrer des molécules comme la nicotine (tabac), l’alcool, le THC (cannabis) ou d’autres substances psychoactives avant de sevrer un ou des médicament(s) psychiatrique(s) pour qu’elles n’interfèrent pas avec le(s) sevrage(s) des médicaments psychotropes?
  • Quelles sont les propriétés et les caractéristiques du sevrage de ce(s) produit(s) psychiatrique(s)?
  • Est-ce que la substance active du médicament a une demi-vie courte ou une demi-vie longue? Si la molécule active à une demi-vie courte, est-ce qu’il faut la sevrer directement ou est-ce qu’il faut passer par la technique de substitution et la remplacer par une molécule à demi-vie longue avant d’entamer le sevrage?
  • Est-ce que la forme galénique dans laquelle le médicament est prescrit permet de réaliser le sevrage? Il faut savoir que les comprimés non-sécables ou sous forme à libération modifiée (forme Retard, par exemple) ne se prêtent guère aux techniques de sevrage qui nécessitent, en pratique, de couper, d’écraser ou de broyer le(s) comprimé(s) contenant la substance active.
  • Est-ce que le médecin prescripteur est disposé à prescrire une molécule sous forme de gouttes, par exemple, plutôt que sous forme de comprimé, si la technique de sevrage le nécessite?
  • Si je souhaite sevrer plusieurs molécules psychoactives, dans quel ordre vais-je le faire? Quelle molécule est-il recommandé de sevrer en premier?
  • Quelles sont les méthodes et les protocoles pour sevrer ces produits? Y a-t-il un ordre à respecter dans l’utilisation de ces méthodes et protocoles?
  • Est-ce que je suis en sous-dosage et donc en état de manque?

Dans les prochains articles, nous allons aborder ces points afin de vous permettre d’apporter une réponse personnelle à chacune de ces questions.

Les étapes “classiques” dans l’élaboration d’un plan de sevrage

  1. S’informer sur les médicaments psychotropes actuellement pris
  2. Déterminer l’ordre des molécules à sevrer si plusieurs médicaments psychotropes sont pris
  3. Trouver sa dose de confort et s’y stabiliser quelques jours
  4. Déterminer la méthode qui permettra de sevrer la molécule
  5. Choisir les protocoles et techniques de sevrage adaptés aux spécificités de la molécule à sevrer
  6. Élaborer un tableau des diminutions: Calcul des diminutions et des paliers
  7. Choisir une technique pour réaliser les diminutions (titration)
  8. Se mettre dans les meilleures conditions pour appliquer son plan d’action

 

 

Le sevrage lent pour contrer la dépendance physique et la tolérance

Un sevrage lent et méthodique permet de contrôler la survenue et l’intensité des symptômes de sevrage qui résultent de l’état de manque (voir dépendance) et de l’entrée en tolérance (les deux phénomènes étant étroitement liés). Comment vous l’aurez compris, pour limiter la survenue et l’intensité des symptômes de sevrage, nous allons mettre en place un sevrage lent.

Mise en place d’un plan de sevrage

 

Qu’est que la tolérance (ou phénomène de tolérance)?

La tolérance est le mécanisme suivant lequel le cerveau s’habitue à l’effet de la substance, ce qui conduit la personne à augmenter les doses pour obtenir l’effet initial.

la tolérance est le phénomène par lequel, la dose prescrite à l’origine produit progressivement moins d’effet et une dose plus forte est nécessaire pour obtenir le même effet.

Qu’est-ce que l’entrée en tolérance?

L’organisme adapte son mode de fonctionnement à l’apport répété et régulier d’une substance psychoactive. La consommation répétée de la même dose d’un médicament psychotrope laisse la porte ouverte à l’apparition de la tolérance: l’organisme s’habitue « beaucoup trop » à cette même quantité de molécule active prise régulièrement et trop longtemps et nous commençons à « avoir besoin » d’à nouveau augmenter la dose pour contrôler la réaction de manque. Les symptômes de manque qui apparaissent sont alors dus à la tolérance (= au fait que pour obtenir les mêmes effets, il faille augmenter la quantité prise). En effet, au bout d’un certain temps à la même dose, les effets des mécanismes compensatoires mis en place par l’organisme pour contrer l’action du produit surpassent les effets de la substance active. L’entrée en tolérance se manifeste alors par des symptômes de sevrage (aussi appelés symptômes de manque) qui sont dus au fait que l’action du produit ne masque plus la réaction de l’organisme à cette substance.

L’entrée en tolérance est la réaction complexe qui se produit lorsque la dose journalière prise se situe en-dessous de la quantité de médicament psychotrope nécessaire pour produire les effets voulus.

Le seuil de tolérance est quant à lui définit par la quantité au-dessous de laquelle l’action du médicament psychotrope n’est plus en mesure de contrebalancer la réaction de l’organisme. Lorsque la quantité de médicament prise se situe en-dessus du seuil de tolérance, les symptômes de sevrage ne se manifestent pas, étant donné que la quantité de médicament prise est supérieure à celle nécessaire pour masquer la réaction de l’organisme. Mais lorsque la quantité de médicament prise se situe au-dessous du seuil de tolérance, l’action de la molécule active n’arrive plus à masquer les réactions de l’organisme et les symptômes de sevrage se font sentir. Les symptômes de sevrage deviennent alors la manifestation visible de la réaction de l’organisme au produit : ils constituent la partie visible des mécanismes compensatoires mis en place par l’organisme pour contrebalancer l’effet du médicament psychiatrique.

 

Le sevrage lent pour contrer la dépendance physique et la tolérance

Qu’est-ce que la dépendance?

De manière générale, la dépendance peut être vue comme une perte de liberté ou une perte de contrôle. Mais la dépendance est un phénomène complexe et actuellement, nous ne parlons plus de la dépendance, mais des dépendances. Il est important de savoir différencier les différents types de dépendances et de bien comprendre les mécanismes spécifiques à chacune d’entre elles, étant donné que c’est cette compréhension qui nous permettra d’en venir à bout. En effet, ce n’est qu’en comprenant comment fonctionne une dépendance, qu’on peut inverser le processus et ainsi s’en libérer.

Pour l’OMS (2018), le terme générique de «dépendance» se rapporte à des éléments aussi bien physiques que psychologiques.

Mais quels sont les principaux types de dépendance ?

Nous retrouvons comme principaux types de dépendance :

  • La dépendance physique ou dépendance physiologique ou dépendance pharmacologique ou pharmacodépendance. Ce sont des termes utilisés pour faire référence au processus d’adaptation de l’organisme à la présence répétée d’une substance.
  • La dépendance psychique et la dépendance psychologique. Ces deux concepts font référence au fait que la personne n’arrive plus à s’imaginer vivre sans les effets de la substance en question.
  • La dépendance comportementale est un concept utilisé pour parler d’une consommation par habitude ou en fonction de stimuli présents dans l’environnement

La toxicomanie ou l’addiction étant des termes utilisés pour parler de l’état de dépendance dans lequel se trouve un individu. Ces termes font référence à la présence de plusieurs de ces dépendances.

L’addiction

L’addiction se caractérise par l’impossibilité répétée de contrôler un comportement, qui vise à produire du plaisir ou à écarter une sensation de malaise interne, en dépit de la connaissance de ses conséquences négatives (Laqueille & Liot, 2009).

La toxicomanie

Lorsqu’il y a à la fois dépendance physique, dépendance psychologique, tolérance et addiction, on parle de toxicomanie. La toxicomanie peut donc être vue comme la combinaison d’une dépendance physique (apparition d’un syndrome de sevrage à l’arrêt de la substance souvent couplé d’un besoin d’augmenter les doses (tolérance)), d’une dépendance psychologique (penser qu’on a besoin de la substance pour fonctionner) et d’une dépendance comportementale (besoin compulsif de consommer la substance et comportement addictif).

Dans le cadre du présent manuel, nous allons plus spécifiquement nous pencher sur un type de dépendance : la dépendance physique. En effet, nous devons connaître les mécanismes physiologiques sous-jacents à ce type de dépendance, afin de pouvoir mettre en place un processus qui sera en mesure d’inverser les mécanismes d’adaptation que l’organisme a développés en réaction à la présence répétée et prolongée d’une substance psychoactive. Le sevrage est ce plan d’action qui nous permettra d’inverser méthodiquement et systématiquement les mécanismes physiologiques d’adaptation mis en place par notre organisme.

Le sevrage est donc le processus par lequel nous allons
libérer notre organisme de la dépendance physique à une substance

Mais commençons par souligner le fait qu’il existe une différence nette entre la dépendance psychologique qui est la croyance selon laquelle nous pensons avoir besoin de la substance pour fonctionner et la dépendance physique qui est l’apparition d’effets déplaisants (les symptômes de sevrage ou symptômes de manque) à l’arrêt du médicament ou lorsque l’organisme s’est habitué à la substance et qu’il faut augmenter la dose journalière pour ne pas ressentir les effets de manque (phénomène de tolérance).

La dépendance psychologique

Nous dépendons psychologiquement d’une substance lorsque nous lui attribuons les vertus que nous voulons bien qu’elle ait ou les vertus que d’autres lui ont attribué. Ainsi, nous pouvons dépendre psychologiquement d’une substance lorsque nous lui attribuons la capacité de guérir notre mal-être, de nous permettre de gérer des situations critiques ou encore de supporter des émotions déplaisantes. Nous dépendons psychologiquement d’une substance lorsque nous sommes convaincus qu’elle agit effectivement et efficacement sur nos symptômes.

La dépendance psychologique se fonde, se construit et se développe à partir de plusieurs types de croyances, notamment :

  • les croyances culturelles: p.ex. les antidépresseurs soignent la dépression ; les somnifères font dormir ; les neuroleptiques traitent les symptômes de la schizophrénie
  • les croyances personnelles: p.ex. ce sont mes médicaments qui me permettent de tenir et de fonctionner au quotidien ; ce sont mes antidépresseurs qui me permettent de supporter mon chagrin et ma tristesse
  • les croyances des autres: p.ex. mon médecin et ma famille m’affirment que seuls mes médicaments peuvent me soigner, alors, comme j’ai une totale confiance en eux, je suis convaincu que ces produits améliorent mon état

La dépendance psychologique traduit souvent la croyance selon laquelle c’est le traitement médicamenteux qui réduit les symptômes et traite les causes de notre mal-être, de nos problèmes psychologiques ou de difficultés comportementales.

L’esprit est puissant et est capable, par le biais de nos croyances, de modifier l’interprétation que nous faisons de nos sensations et de nos perceptions et par là, de modifier notre état de santé.

L’effet placebo

L’effet placebo peut être défini comme la confiance que nous avons dans un traitement, dans le fait que celui-ci va nous soigner. Mettre tout son espoir dans un traitement (médicamenteux ou psychothérapeutique) et être convaincu de son efficacité, peut rendre celui-ci très puissant. En effet, il a été prouvé que si nous nous attendons à ce qu’un traitement fonctionne et apporte le soulagement voulu, alors nous anticipons des effets positifs et cela se répercute sur notre physiologie. Ainsi, lorsqu’un médecin, une thérapie ou un médicament nous offre l’espoir d’une guérison, alors nous croyons souvent si fort à un tel soulagement, que cette croyance place notre organisme dans les dispositions pour aller mieux. C’est ce que nous appelons l’effet placebo. Par conséquent, lorsque nous sommes convaincus qu’un traitement nous soulagera, alors il y a toutes les chances qu’il le fasse et que nous voyons notre état s’améliorer.

C’est, par exemple, ce qui se produit avec les antidépresseurs dans le cadre du traitement de la dépression : la croyance en l’efficacité des antidépresseurs à traiter la dépression peut être si forte, qu’elle produit un effet placebo puissant qui parvient à soulager la dépression. En effet, comme l’a constaté Kirsch (2010) dans sa méta-analyse, la principale réponse aux antidépresseurs est un effet placebo et pour cet auteur, il est très probable que le reste soit un effet placebo augmenté.

L’effet placebo augmenté

L’effet placebo (c’est-à-dire l’espoir d’une guérison ou la conviction qu’un traitement est efficace) peut être augmenté lorsque le traitement médicamenteux produit des effets secondaires facilement reconnaissables. En effet, plus le médicament psychiatrique produit des effets secondaires, plus nous sommes enclins à penser que la substance active est puissante et cela nous convainc que ce médicament est capable de traiter nos maux en profondeur. C’est ce qui augmente encore l’effet placebo. Dans sa méta-analyse, Kirsch (2010) a en effet constaté que plus les patients déprimés ressentent d’effets secondaires avec le médicament actif, plus leur état s’améliore.

Utiliser l’effet placebo à bon escient en activant les croyances qui nous sont bénéfiques

Ce manuel vise à vous aider à vaincre la dépendance physique. La dépendance psychologique se vainc, quant à elle, par un travail sur soi-même, sur ses croyances. Nous vous recommandons de travailler votre éventuelle dépendance psychologique en compagnie d’un thérapeute ou d’une personne qui vous aidera à reconnaître les pouvoirs et les vertus que vous attribuez à ces produits chimiques et à les transférer à vous-mêmes, à vos capacités, à vos propres ressources personnelles. Croire en vous, croire en vos capacités, croire que c’est possible, croire en votre force intérieure, en votre détermination, en votre jugement personnel, croire en votre instinct, en votre intuition, en votre ressenti vrai et profond, vous permettra de vous libérer de la dépendance psychologique et de reprendre le contrôle de votre vie.

La dépendance physique

La dépendance physique, qui résulte des mécanismes d’adaptation de l’organisme à la consommation prolongée d’une substance (INSERM, s.d.), est définie par deux éléments clé :

  1. l’apparition d’un syndrome de sevrage : il s’agit d’un ensemble de symptômes spécifiques qui apparaissent lorsque la prise de médicament est brusquement stoppée. C’est la réaction physiologique qui se produit lorsque l’organisme est privé du produit auquel il avait adapté son mode de fonctionnement. Cette privation se traduit, selon McGill, (s.d.), par un état de manque qui s’accompagne de symptômes physiques incommodants appelés le sevrage.
  2. l’apparition de la tolérance : le phénomène de tolérance, qui se manifeste par la nécessité d’augmenter la dose d’une substance pour ressentir l’effet qu’elle produit, traduit l’adaptation de l’organisme à l’apport répété et prolongé de cette substance.

L’accoutumance

L’accoutumance est le phénomène par lequel l’organisme s’habitue à la présence d’une substance. L’accoutumance va induire la tolérance. En effet, lorsque l’organisme s’adapte trop bien, c’est-à-dire qu’il « sur-adapte » son fonctionnement à la présence d’une molécule, alors la personne qui la consomme devra en prendre une plus grande quantité pour ressentir le même effet.

 

Qu’est-ce que la tolérance?

 

Pourquoi faut-il procéder au sevrage des médicaments psychotropes?

Comme nous venons de le voir, le sevrage est l’approche visant à supprimer la dépendance physique (ou pharmacologique) à un médicament psychoactif. Il convient de procéder à la diminution méthodique de la prise de médicaments psychiatriques, c’est-à-dire à un sevrage, pour contrer les effets de la dépendance et de la tolérance.

Nous allons maintenant voir comment le sevrage est lié à la dépendance physique et à la tolérance qui sont les mécanismes que l’organisme développe pour contrer les effets des médicaments psychiatriques.

Qu’est-ce que la dépendance?

 

Qu’est-ce qu’un sevrage?

Le terme sevrage est utilisé pour parler de différents éléments liés à la cessation d’une substance. Dans le cadre de ce manuel et dans l’enceinte du forum, voici comment comprendre ce terme:

  • Action de sevrer une personne ou de se sevrer. Ce qui fait référence à la mise en place d’un plan d’action pour arrêter progressivement la prise d’une molécule psychoactive. La personne, avec l’aide de son médecin, élabore un plan pour diminuer progressivement et systématiquement la quantité de médicament prise en vue d’aider son organisme à se passer de cette substance.
  • Processus progressif et contrôlé par lequel une personne cesse activement de prendre un médicament psychiatrique. Un sevrage se fait à l’aide de protocoles et de plans de sevrage bien définis.
  • Temps nécessaire pour permettre à l’organisme de se passer de l’apport d’une substance psychoactive. On parle d’une personne en sevrage.
  • Le sevrage est l’approche visant à supprimer la dépendance physique (ou pharmacologique) à un médicament psychoactif. Le terme de sevrage est adapté dans la mesure où il y a dépendance physique à la substance dont on cherche à se priver. Chaque substance entraîne des symptômes de sevrage différents.

 

Pourquoi faut-il procéder au sevrage des médicaments psychotropes?

 

Alcool: est-ce que je peux boire de l’alcool pendant le sevrage?

Il est préférable de ne pas consommer d’alcool pendant le sevrage, étant donné que celui-ci perturbe l’activité du système nerveux.

L’alcool peut fortement compliquer le sevrage, étant donné qu’il se lie directement sur les récepteurs de l’acétylcholine, de la sérotonine, du GABA et sur les récepteurs NMDA du glutamate (Le cerveau à tous les niveaux, s.d.), qui sont les neurotransmetteurs affectés par le(s) médicament(s) psychoactif(s) à sevrer.

L’alcool induit donc des effets neurochimiques qui peuvent interférer avec le sevrage, rendant celui-ci plus compliqué. Parfois, la prise d’alcool semble couvrir les symptômes de sevrage, parfois il semble les exacerbé, mais dans tous les cas, la consommation d’alcool pendant un sevrage rend celui-ci plus difficile à contrôler, étant donné qu’il devient plus dur de déterminer l’origine des symptômes observés : s’agit-il des effets engendrés par l’alcool, de ceux produits par le(s) médicament(s) ou/et de ceux induits par le sevrage?

Par ailleurs, comme avec toutes les substances psychotropes, il y a des risques de développer une dépendance à l’alcool. En consommant de l’alcool pendant le sevrage d’un médicament psychotrope, on risque ainsi d’ajouter ou de remplacer une dépendance par une autre.

Plus d’informations concernant les neurotransmetteurs affectés par l’alcool :

http://lecerveau.mcgill.ca/flash/i/i_03/i_03_m/i_03_m_par/i_03_m_par_alcool.html

Référence

Le cerveau à tous les niveaux. (s.d.). Les neurotransmetteurs affectés par les drogues. Accès : http://lecerveau.mcgill.ca/flash/i/i_03/i_03_m/i_03_m_par/i_03_m_par.html#drogues